samedi 23 août 2014

Les textes massifs de Vercors aux Éditions de minuit…

Un pur trouve toujours un plus pur qui l'épure...
La présentation d'un ouvrage de Jean Montagne illustré par Jean Bruller, il y a peu (vous pouvez cliquer), m'a rappelé que le dessinateur d'avant-guerre avait fait place à un monument de la littérature française de l'après-guerre.


Jean Bruller, dit Vercors (1902-1991), né de père anglais et de mère française, se fit d'abord connaitre comme dessinateur et illustrateur. Mobilisé en 1939 près du massif du Vercors, il entre dans la Résistance, prend son pseudonyme et collabore à "La Pensée Libre", puis fonde en 1941 avec Pierre de Lescure les Éditions de Minuit, clandestines, dont il dessine le logo.


Il y publie en 1942 son récit "Le Silence de la Mer", œuvre-culte de la Résistance, qui sera traduite en 70 langues, et qui lui vaudra le Prix Fémina en 1944. Le plus important pour la postérité n'étant pas d'avoir un prix mais de le refuser, ce prix sera dès lors attribué aux Éditions de Minuit dans leur ensemble. Le récit sera porté à l'écran en 1949 par Jean-Pierre Melville.


En 1948, il quitte les Éditions de Minuit. Compagnon de route du parti communiste jusqu'en 1957, il fut président du Comité National des Ecrivains créé par le PC. La petite histoire retiendra que contrairement à Aragon, Vercors – comme Camus – ne soutiendra pas le parti communiste français suite aux répressions de Budapest et quittera ce comité. Il fut cependant un ardent " commissaire inquisiteur " sous l'épuration. Il avait certainement plus de raisons que d'autres de l'être ? Voici une première liste des écrivains réprouvés de l'époque :


Jean Ajalbert, Michel Alerme, Paul Allard. René Barjavel, Pierre Béarn, Marcel Belin, René Benjamin, Jacques Benoist-Méchin, Pierre Benoit, Henri Béraud, Georges Blond, Emile Bocquillon, Henry Bordeaux, Abel Bonnard, Jacques Boulenger, Robert Brasillach. André Castelot, L.-F. Céline, Paul Chack, Félicien Challaye, Georges Champeaux, Jacques Chardonne, Alphonse de Châteaubriant, André Chaumet, Georges Claude, Lucien Combelle, Henri Coston, Guy Crouzet. Francis Delaisi, André Demaison, Paul Demasy, Pierre Dominique, Pierre Drieu la Rochelle, Jacques Dyssord. Léon Emery, Marcel Espiau. Alfred Fabre-Luce, Bernard Fay, Fayolle-Lefort, Paul Fort, André Fraigneau, Robert Francis. Jean Giono, René Gontier, Bernard Grasset, Sacha Guitry. Abel Hermant, Jean de la Hire. J. Jacoby, Marcel Jouhandeau. Georges de La Fouchardière, René Lasne, Jean Lasserre, Alain Laubreaux, Jean de La Varende, J.-H. Lefebvre, Jacques de Lesdain, Jean Lousteau, Jean Luchaire. Xavier de Magallon, Jean Mariat, Jean Marquès-Rivière, colonel Massol, Camille Mauclair, Charles Maurras, Georges Montandon, Henry de Montherlant, Paul Morand, Morgin de Kéan, Fernand Monsacré, Anne Montjoux, Pierre Mouton. René de Narbonne. Pierre Pascal, Georges Pelorson, Armand Petitjean, Edmond Pilon, Henri Poulain, Armand de Puységur. Lucien Rebatet, Raymond Recouly, Jean-Michel Renaitour, J. Renaldi, Jules Rivet, J.-M. Rochard. André Thérive, Louis Thomas, Jean Thomasson.Henri Valentino, Vanderpyl, Charles Vilain, Maurice Vlaminck. Jean Xydias.


Aujourd'hui, qui enlèveriez-vous de cette liste ? Qui rajouteriez-vous ? Voici quatre petits ouvrages de Vercors publiés par les éditions de minuit après guerre. Témoins d'une époque, c'est sûr ! Pierre


VERCORS. Le songe. Paris, les éditions de Minuit, 1945. Un volume in-12 de 18/11,5 cm. Broché, couverture illustrée. Edition sur papier bleuté. Bon état. 18 €
VERCORS. La marche à l'étoile. Paris, les éditions de Minuit, 1945. Un volume in-12 de 18/11,5 cm. Broché, couverture illustrée. Bon état. 10 €
VERCORS. Les armes de la nuit. Paris, les éditions de Minuit, 1947. Un volume in-12 de 18/11,5 cm. Broché, couverture illustrée. Bon état. 10 €
VERCORS. La marche à l'étoile. Paris, les éditions de Minuit, 1949. Un volume in-12 de 18/11,5 cm. Broché, couverture illustrée. Bon état. 10 €

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Le CNE (comité national des écrivains) avait le geste d'une Faucheuse vindicative, il ne réfléchissait finalement pas trop et il a rapidement perdu les membres qui le composaient. La liste fournie n'a pas été valable très longtemps d'ailleurs, les réhabilitations ayant suivi de quelques semaines ou quelques mois les décisions qui paraissent maintenant bien iniques.
À coup sûr et après un rapide coup d'oeil, j'en ôte immédiatement Paul Fort et Jean Giono !

Jean-Michel

Pierre a dit…

J'avoue aussi avoir été surpris de la présence de Jean Giono. Et pour André Castelot, je le découvre dans sa biographie. Pas mal pour un officier de la légion d'honneur ! Mais il a écrit des articles pour " La Gerbe ", journal collaborationniste, c'est vrai !

Ne figure pas dans cette liste le nom de Sartre - qui a fait des articles pour le journal collaborationniste " Comedia " - car on n'a pas le droit d'être juge et partie...

Pierre

Anonyme a dit…

Sartre a en effet fait polémique et Céline n'a d'ailleurs pas du tout digéré ses appréciations, semble-t-il à l'emporte-pièce. Il en parle dans "D'un château l'autre", en le nommant "Tartre", et dans un pamphlet où il ne mâche pas ses mots, "À l'agité du bocal", dans lequel il s'appelle cette fois "Jean-Baptiste Sartre".
Quelle époque c'était ! :-)

Jean-Michel

Pierre a dit…

Lorsque la Seconde Guerre mondiale s’achève l’épuration anti-fasciste qui lui succède ne se montre pas tendre envers les intellectuels qui ont fait le mauvais choix : les écrivains français Georges Suarez, Robert Brasillach et Paul Chack finissent au poteau d’exécution, tout comme leur collègue belge José Streel. Des dizaines d’autres s’en vont croupir dans d’obscurs cachots, le philosophe italien Giovanni Gentile est abattu au coin d’une rue, tandis que le Norvégien Knut Hamsun (prix Nobel 1920) et l’Américain Ezra Pound se retrouvent bouclés pour de longues années dans des asiles psychiatriques...

Comme le dira cyniquement Simone de Beauvoir, " certains hommes n’avaient pas leur place dans le monde qu’on tentait de bâtir ".

Je fais partie de ces très rares familles Garantie sans "super-résistant" . J'en tire un légitime esprit d'indécision ;-)) Pierre