vendredi 8 août 2014

Les enfants d'aujourd'hui par Hippolyte Hostein : L'aujourd'hui de 1844...


Lorsqu'on intitule une œuvre littéraire "Enfants d'aujourd'hui ", on s'expose évidemment à ce que ces enfants deviennent rapidement des " Enfants d'hier " ! L'ouvrage que je présente à la vente n'échappe pas à cette règle et pourtant les caractéristiques de la jeunesse n'ont pas changé en deux siècles, me semble t-il. J'ai mis un certain temps à m'en apercevoir ; privilège de l'âge!


L'enfance est si touchante ! Quelle âme sensible n'éprouverait-elle pas à son contact le plus tendre intérêt ? Il y a, bien sûr, nombre de barbares, d'ignorants et de prosélytes pour qui l'intérêt est ailleurs que dans la tendresse : on peut faire d'un enfant la plus terrible des armes contre lui-même et les autres… Tous les êtres naissants ont pourtant un charme secret : telle est la loi de la nature.  Le vrai plaisir semble fait pour cet âge ! Un plaisir vif et des peines légères, l'esprit sans préjugés, le cœur sans passion, l'insouciance de l'avenir, voici le destin de l'enfance.  Ah !!! La saison de l'innocence est la plus belle des saisons…


L'auteur de l'ouvrage que je propose à la vente aujourd'hui, Hippolyte Hostein, n'est pas à un cliché près, non plus, vous me direz ! Il nous présente un vénérable vieillard -  il ne précise pas l'âge de ce brave homme mais on devine en filigrane qu'il n'a pas loin de soixante ans (sic) -  assis au milieu de sa petite famille  sous l'ombre d'une grande allée de tilleuls… Ça m'énerve !  Et, bien évidemment, il leur fait le couplet des regrets qu'il éprouve au souvenir des jours heureux de sa jeunesse ! 


- " Oui, mes enfants, je songe toujours avec satisfaction à ce temps là, et pourtant ajouta le bon vieillard avec un soupir, combien nous étions moins favorisés que vous, mes chers enfants !  Dans ma jeunesse tout nous manquait : les soins étendus, les conseils, l'instruction, blablabla….". J'ai l'impression d'entendre mon grand-père ! C'est promis, moi, je me tairai avec mes petits-enfants ! [une disparition prématurée peut vous permettre d'honorer cette bonne résolution]. Mais comment se taire quand on est bavard ? Je ne suis pas vraiment du genre "taiseux", vous le savez… 

- " Oh ! Grand-Papa [pour ma part, je me ferai appeler Papou !], dit la jeune Marie, vous ne ressemblez guère aux autres personnages de votre âge, qu'on trouve toujours sévère quand il faut juger le temps présent, mais qui sont très disposés à rehausser orgueilleusement le mérite de leur époque ". 

-  " Charles, reprit l'honorable vieillard, en adressant un regard bienveillant au jeune frère de la petite Marie, Charles, un poète latin de ta connaissance n'a-t-il pas exprimé quelque part les sentiments que ta sœur vient de nous traduire ? "

- " Oui Grand-papa, répondit Charles… Ce poète, c'est  Horace ! Dans la première partie de son art Poétique… ". Là, ça m'énerve encore ! D'abord parce que ma petite fille a pour prénom la contraction de Charles et Marie - Elle se prénomme Charlie : il faut vivre avec son temps : ce n'est pas moi qui ai choisi : et puis c'est très bien "Charlie"  – ensuite, parce qu'il est fortement improbable que cet échange n'ait jamais existé entre un grand-père et son petit fils, ni pendant l'ère chrétienne, ni à fortiori avant…


La suite n'est guère mieux : Le brave nous rappelle que, de son époque,  "on s'occupait plus de l'éducation physique que de celle du cœur et de l'esprit. Que résultait-il de là ? Nous savions danser, nous habiller, nous poudrer, porter élégamment un chapeau sous le bras, un gant brodé à la main ; mais pour le reste, nous étions d'une profonde ignorance. L'enfant n'existait dans la société qu'à l'état de poupée ! ". 

- " Et vous croyez, Grand-père, qu'il n'en est plus de même aujourd'hui ? ". Et tout à coup un doute m'envahit… Et si notre société actuelle n'était pas revenue à cette époque pour ce qui est de l'éducation de nos enfants ?  [ils savent danser, s'habiller, se muscler, portent élégamment le vêtement dans les galeries marchandes mais pour le reste…]. Cet ouvrage a donc le mérite d'être dépassé et un rien ringard. Il se lit néanmoins fort bien !

Les bibliophiles apprécieront les gravures aquarellées et gommées. La gomme arabique appliquée au pinceau donne d'agréables reflets et de la profondeur au dessin – pour ceux que la restauration de gravures intéresse, sachez que cet enduit part malheureusement avec les rousseurs… La reliure romantique en augmente l'attrait pour le collectionneur. On va encore dire que je suis pas en phase avec mon temps… Pierre


HOSTEIN (Hippolyte). Les enfants d'aujourd'hui. Auteur des Trois vertus… A Paris chez A. Desesserts, sd (1844]. Un volume in-8 ( 24,5/16cm). Reliure romantique, percaline tabac, motifs estampés et dorés sur les plats, dos lisse, motifs, titres en lettres dorées, toutes tranches dorées, gardes colorées. 14 gravures aquarellées et gommées hors textes. Quelques rousseurs, cahiers sans décalage. Très bel exemplaire. 145 € + port

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