C'est l'excellent article de René sur la génération spontanée
qui me fait reprendre, aujourd'hui, ma casquette de professionnel des sciences
naturelles. De l'Origine des espèces par la
sélection naturelle de Charles Darwin est un des ouvrages de science qui a fait couler le plus d'encre et qui ne manque pas d'être encore un poil à gratter pour quelques fixistes américains en manque d'intelligence
avec la foi…
Le 24 novembre 1859 sort en librairie, à Londres, un ouvrage
au titre ambitieux qui résume à lui seul le contenu : On the Origin of Species
by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the
Struggle for Life (La lutte pour l'existence). Son auteur est un quinquagénaire seulement connu des
spécialistes, Charles Darwin (1809-1882). Pourtant, son ouvrage bénéficie d'un
succès immédiat et le premier tirage (1250 exemplaires) est épuisé dans la
journée. Les théories développées par Charles Darwin allaient bouleverser le
dogme d'une nature immuable depuis la création du monde.
Dans L'Origine des
espèces, Charles Darwin présente ses observations et conclut
à une évolution naturelle de ces espèces : les individus qui ont hérité de
caractères bien adaptés à leur milieu ont tendance à mieux se reproduire que
leurs congénères et à prendre le pas sur eux. En quelques générations, une
espèce peut ainsi se transformer jusqu'à donner naissance à une nouvelle
espèce.
Lorsqu'une telle mutation s'avère appropriée à
l'environnement, elle peut conduire très vite à une espèce nouvelle. Ainsi
l'être humain est-il peut-être issu de deux singes nés avec 46 chromosomes au
lieu de 48 comme leurs congénères... Un débat violent apparaîtra, alors, qui
n'est toujours pas clos !
Darwin pourra compter, comme l'a fait très justement
remarquer René, sur les travaux de Pasteur qui va prouver l'inexactitude de la
théorie de la génération spontanée. Parallèlement, en 1863, H. W. Bates publie
la première confirmation de la théorie évolutionniste : une espèce de papillon
amazonien a évolué pour adopter une couleur semblable à une autre espèce
voisine que les oiseaux prédateurs ne mangent pas (théorie du mimétisme).
Ce débat violent est le fruit d'un conflit d'intérêt évident
avec les dogmes de nombreuses religions dont la religion chrétienne. Il y a
avait pourtant longtemps, avec Lamarck (transformisme) et Buffon que la science
et la religion ne s'opposaient plus. Bien évidemment, et on fait mine de
l'ignorer, les textes anciens ont été transcrits par des personnes qui ont
cherché à matérialiser leur foi par des repères à la portée des croyants. Problème
: les textes sont restés anciens mais les peuples ont évolué comme dirait
Darwin… Et alors ? Cela prouve
simplement [pour ma part] qu'il est beaucoup plus commode d'être athée que
croyant et que ce don qui nous est offert n'oblige que celui qui y croit. Il
oblige aussi les athées à admettre que la science et la raison ne sont pas leur
pré carré !
À partir de cette époque, l'ensemble de la communauté scientifique se rallie aux vues de Charles Darwin. Face au succès éclatant de la théorie de l'évolution, la communauté scientifique ne tarde pas à établir que l'homme est donc l'aboutissement de l'évolution naturelle ! Ben tiens… C'est ainsi que se développe dans la deuxième moitié du XIXe siècle une théorie bâtie sur les hypothèses de Darwin qui tente d'appliquer la théorie de la sélection naturelle aux sociétés humaines. De cette théorie vont naître les aberrations racistes et criminelles de la fin du XIXe siècle et du siècle suivant…
C'est pourquoi j'ai, malgré tout, de l'indulgence pour le créationnisme [ou le fixisme, sous théorie du créationnisme, qui n'est plus développé que par quelques églises aux Etat-Unis] qui n'a encore jamais tué personne. Ces théories dépassées défendues à l'époque par Cuvier s'expliquent par le fait que la Bible était la référence pour expliquer l'histoire du monde. Georges Cuvier était donc dans la majorité bien pensante !
Un jour viendra où les progrès de la génétique nous mettront
devant des vérités scientifiques encore plus difficiles à admettre que la
théorie de l'évolution. En attendant… " La lutte pour l'existence " ne doit pas
nous écarter de " la lutte pour une bonne existence " ! Pierre
DARWIN Charles. L'origine des espèces au moyen de la
sélection naturelle, ou La lutte pour l'existence dans la nature, traduit sur
la sixième édition anglaise par Edmond Barbier. C. Reinwald Et Cie,
Libraires-Editeurs 1876. Un volume In-8. Reliure pleine percaline éditeur verte
aux motifs dorés signée par Lenègre en queue. [1f]-xix-604pp + catalogue de
l'éditeur au 1er décembre 1878 - 20pp. Bel exemplaire de cette édition
française (originale en 1873). Darwin s'est fâché avec Royer, le premier
traducteur, et a confié une nouvelle traduction à Barbier. Menus défauts de
reliure, restauration mors, rousseurs modérées. Vendu
19 commentaires:
Je viens de relire La montagne magique, et les théories des créationnistes me rappellent un peu celles de Naphta, pour qui, en somme, la science ne fait pas le poids en face de Dieu. Mais c'est finalement une thèse infiniment plus défendable intellectuellement que celle desdits créationnistes (dont je crains bien qu'ils ne soient d'ailleurs pas si peu nombreux que ça), qui se contentent de s'arc-bouter sur des textes. D'ailleurs, Naphta il finit par se tirer une balle dans la tête…
J'avoue que j'ai du mal à comprendre les créationnistes. Leur mauvaise foi est plus grande que leur Foi...
Il n'est pas utile d'opposer la science et la religion sauf à aimer s’engueuler avec son voisin. Je dis parfois à mes enfants qu'il est nécessaire de déposer son intelligence en entrant dans une église. C'est une image, bien évidemment. Par contre, il est bon de la reprendre en partant ;-)) Pierre
Je vais encore faire mon athée positiviste primaire mais finalement on arrive à la même conclusion : science et religion ne sont pas compatibles. A chaque fois que la science avance, dieu recule. Ce sont deux visions du monde qui ne sont pas miscibles sans dégâts du coté du scientifique comme du religieux. Deux exemples côté scientifique : Einstein qui refuse les théories d'Heisenberg parce que "Dieu ne joue pas aux dés"; Buffon qui fausse la publication de ses résultats sur les boules incandescentes qui donnaient un âge de la Terre non compatible avec la Génèse.
De l'autre côté à chaque fois qu'une religion veut s'ancrer au réel elle prend le risque de se voir réfutée (Génèse,mythes de l'ancien testament, transsubstantiation, résurrection...).
Je crois donc comme le voulait Descartes et plus tard Kant, la raison doit s'arrêter aux portes de l'église, parce que sinon elle y ferait tout exploser.
Par contre les religions doivent aussi accepter de ne plus se préoccuper du réel, parce qu'elle n'y ont aucune légitimité. Le christianisme européen a à peu près intégrer cela, par contre il y a encore un sacré boulot à faire du côté de l'islam.
Nous sommes d'accord sur les principes, SebV et constatons avec soulagement que la communauté catholique [avec ses différences individuelles] s'ancre maintenant dans la réalité. Mais la genèse est là et il faut faire avec...
Je ne sais pas, par contre, ce qu'aurait pensé Darwin de l'utilisation de ses théories à des fins de sélection génétique... Pierre
Les gens qui veulent tirer Darwin à gauche disent qu'il a beaucoup insisté sur la coopération comme alternative à la loi du plus fort, chez les espèces sociales.
Une façon de lutter contre le darwinisme social d'un Spencer ultra-libéral.
Je n'ai pas choisi mon camp, il s'est imposé.
Darwin pose des théories ouvertes sur la réflexion, le créationnisme est une religion fermée sur l'obscurantisme.
Dans les plateaux de la balance qui décide de notre orientation de pensée ne sont que des impondérables inaptes à la faire pencher : "Je crois car..." à gauche, "Je ne crois pas car..." à droite. Les seules choses qui risquent de faire osciller ces plateaux n'est pas ce qui y est déposé mais le souffle divin d'un côté et la masse des convictions de l'autre. On pourrait dire que c'est de la triche.
Quant au fait qu'il soit plus commode d'être athée que croyant, rien n'est moins sûr : quand on est athée le doute est permanent, c'est comme une raison de vivre ; le croyant achoppe sur le doute deux ou trois seulement sur son parcours.
Jean-Michel
Quel limpidité dans ce commentaire, Jean-Michel ! Le plaisir enfantin de goûter à un bonbon sucré. On en redemande ;-))
Je dirais cependant que l'athée n'a pas de raison particulière d'être envahi par le doute mais qu'il est préférable qu'il trouve un objectif face à l'inanité de son existence. L'agnostique a plus de chance qui demande a être convaincu...
J'avais pensé à demander la béatification de Darwin pour rapprocher les deux camps. Une bonne idée ? Pierre
"l'athée n'a pas de raison particulière d'être envahi par le doute"
Attention Pierre, attention... C'est vous que l'on sent en plein doute sur ce coup. Vous risquez de mal tourner ;)
Il est fort ce Darwin.
Eric
Ah, pardon ! l'agnostique ne demande pas à être convaincu. Il proclame haut et fort son refus de se prononcer.
C'est le croyant qui a le privilège du doute, Éric ;-))
Il est fréquent que les grands Prophètes eux-mêmes doutent de l’amour du Père, se lamentent, voire même se révoltent contre ce qu’ils ressentent comme une injuste souffrance. Alors, vous imaginez, le cas désespéré du pauvre paroissien qui a lu Darwin ;-)) Pierre
Je disais, hors blog, à un ami qui pensait que le sujet est à commenter avec beaucoup de précautions que j'avais la chance d'avoir des lecteurs très fréquentables ;-))
Merci encore. Pierre
Les religions sont justement là pour répondre aux doutes du croyant avec les dogmes.
Que serait une religion sans dogmes ? De la spiritualité, de la philosophie ?
La science aussi propose des dogmes. Qui peut par exemple me démontrer à froid que c'est la Terre qui tourne autour du Soleil et non l'inverse ? La somme des connaissances nous oblige à une part de croyance parce que nous ne pouvons pas tout vérifier.
L'énorme différence c'est que les dogmes scientifiques se démontrent (et se démontent) tandis que les dogmes religieux se décrètent.
Dans une autre vie, vous avez dû être professeur de philosophie et dans votre nouvelle vie de libraire, vous avez la chance d'avoir gardé le meilleur de cet enseignement, SebV ;-))
Heureusement que les croyants ne raisonnent pas à la perfection ! Pierre
Promettez moi de me taper sur la tête si je commence à employer des néologismes allemand ! ;)
Un beau texte de Hüsserl : "La terre ne se meut pas", à lire ou à relire.
René
Galilée a prouvé que la Terre tournait, avec une démonstration fausse, basée sur les marées...
et rectification : la citation exacte est "la Terre ne ment pas", et ce n'est pas de Hüsserl, même si son auteur n'avait rien contre les Allemands.
En sciences on admet que les dogmes peuvent être pré-établis et ensuite démontrés, Calamar ;-))
Allez donc démontrer l'existence de Dieu ! Cependant, l’absence de preuves n’est pas forcément une preuve de son absence... Pierre
Hüsserl est bien l'auteur de "La terre ne se meut pas" et le titre est volontairement provocateur ; il explique comment la Terre-sol reste la référence première qui nous permet de distinguer ce qui est au repos et ce qui se meut. La Terre-corps est une construction intellectuelle qui nous permet de penser la terre comme un corps parmi les autres corps célestes.
René
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