Je reçois, ce matin, le courrier d’un bibliophile qui me fait l’honneur de me compter parmi ses amis. La lettre, à la plume, écrite à l'anglaise et en encre bleue, était glissée dans un livre destiné à Pierre, notre libraire, qui désire le proposer à ses clients. Vous excuserez l’obsolescence du style mais ce garçon n’est vraiment pas en phase avec son siècle. Il passe son temps libre, d’ailleurs, à reproduire à l’identique des ouvrages anciens. Son Montaigne nous avait été présenté en mars 2011. Voici qu’il récidive avec un intéressant traité de typographie. Je vous laisse découvrir sa prose d’un autre âge…
Cher Maitre,
Je l’avais promis, le voici. Le Traité de la typographie d’Henri Fournier (a priori sans rapport autre qu’homonymique avec le fameux fondeur du XVIIIe Fournier le Jeune) est d’abord intéressant en ce qu’il date d’une période (1825) où l’imprimerie, dont les techniques n’avaient pratiquement pas évolué depuis Gutemberg, ne va pas tarder à basculer vers la mécanisation. Les premières presses en fonte, et notamment la célèbre Stanhope qui est abordée en détail dans le livre, viennent prendre la relève des presses en bois, apportant plus de précision et de confort dans le travail. Et la vapeur, dont l’auteur ne reconnaît encore l’usage que pour « augmenter la force des presses à satiner », ne va pas tarder à venir en renfort des bras du pressier.
Le style aussi est savoureux, à mi-chemin de l’ingénieur et de la comtesse de Ségur, dans cette langue qui est moins éloignée de la mienne que celle des siècles précédents mais qui garde une saveur bien à elle, que l’on goûte encore mieux avec l’orthographe de l’époque.
Et puis, si après un survol historique des débuts de l’imprimerie il explique fort en détail les étapes de la fabrication d’un livre au XIXe siècle, en analysant au fur et à mesure les diverses opérations et en donnant un glossaire de tous les termes techniques, il ne se perd pourtant pas dans des subtilités où seuls des professionnels pourraient s’aventurer. Écrit pour « définir les mots et expliquer les faits, afin de [se] mettre à la portée de quiconque a intérêt d’acquérir les connaissances relatives à la fabrication des livres », il continue aujourd’hui à remplir parfaitement son office, notamment auprès des bibliophiles qui souhaiteraient en savoir plus sur la venue au monde de leurs chers trésors.
Tout en gardant le principe de base du Visorion, une recomposition rigoureusement à l’identique, j’ai profité de cette réédition pour faire passer le format de l’in-24 original, parfois difficile à lire ; l’acuité visuelle des bibliophiles est inversement proportionnelle à leur âge ; à un plus confortable in-8°. Le caractère utilisé, le Bréviaire, a été créé par Loïc Sander. C’est une didone un peu plus lourde que celles que l’on peut trouver aujourd’hui chez les différents fondeurs, et qui restitue parfaitement l’esprit des impressions du XIXe. D’autre part, le Traité inaugure les nouveaux habits que j’ai choisis pour le Visorion : Bradel dos cuir et plats en papier à la colle de Brigitte Chardome. Ma hantise ayant toujours été qu’on m’accuse de vouloir faire du faux vieux, je suis ravi de l’équilibre qui se dégage ainsi entre contemporanéité et techniques traditionnelles.
J’ai pris beaucoup de plaisir à recréer ce bouquin. Je souhaite, cher maitre, que vous en preniez autant à le lire. Pascal M***
Nul doute que Pascal obtienne les éloges de ses amis bibliophiles. Ma caution ne lui sera d’aucune aide. Il pourra néanmoins compter sur ma légitime admiration. Votre dévoué. Philippe Gandillet
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9 commentaires:
Cher Maître,
Je tiens à vous remercier du fond du cœur pour le soutien que vous m'apportez dans mon entreprise un peu folle. Je sais que votre style délibérément affecté et vos prises de position parfois difficilement défendables ne sont là, telles les épines aux bras de la rose, que pour dissimuler aux yeux de la multitude souvent ingrate un esprit éperdu d'aventures et une profonde générosité.
Nous ne devons plus être très nombreux à croire de toutes nos forces en ce que nous faisons sans que pour autant cela ne nous monte à la tête.
Je vous prie, cher Maître, de croire en l'expression de mon affectueux respect.
J'enfle sous les éloges ;-)) Philippe Gandillet
En général je ne suis pas un fanatique des fac-similés mais le résultat de cette réimposition parait très satisfaisant si l'on en juge par la dernière photo de l'article.
En ce qui me concerne, je ne suis pas non plus trop fan des fac-similés, encore que je sois bien content d'avoir le Tretté de Meigret au moins sous cette forme, et que tout dépende de l'état de l'original et du soin avec lequel ç'a été fait.
Mais je me permets d'insister sur le fait qu'en l'occurrence il s'agit d'une totale, pas d'un scan, et que c'est peut-être bien ça qui change la donne. (Enfin, c'est du moins ce que j'espère.)
Heu, le mot qui a disparu avant totale est recomposition (erreur de balisage de ma part ou problème technique ?)
Le mot recomposition fait partie des mots rejetés par "Blogger ;-))
Rien qui ne puisse être de votre responsabilité, bien sûr ! Pierre
Moi, j'aime bien les fac-similés de bonne qualité. Ils m'ont permis d'avoir le texte et surtout les gravures à l'identique d'ouvrages que je ne pouvais pas posséder... avant internet et la numérisation, évidemment. Pierre
une recomposition ! fichtre, beau travail !
T
Nous sommes bien d'accord sur le fait que le mérite n'est pas le même... Pierre
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