lundi 9 mai 2011
Causerie du lundi de Philippe Gandillet : "Les chaînes du mariage sont si lourdes qu'il faut être deux pour les porter, parfois trois…" Dumas Fils.
Quand Victor (Hugo) réintégra les bancs de l'Académie Française et qu'avec son appui, nous fîmes élire Alexandre Dumas fils dans notre aimable compagnie, j’eus l'insigne honneur d'être évoqué dans son discours de réception :
Messieurs,
Je ne saurais mieux reconnaître la faveur exceptionnelle dont j’ai été l’objet dans votre illustre compagnie qu’en vous parlant avec toute franchise et qu’en commençant ce discours par un aveu. Lorsque tant de mes confrères, bien supérieurs à moi, ont dû frapper plusieurs fois à votre porte avant qu’on la leur ouvrît, comment se fait-il que je n’aie eu qu’à me présenter pour qu’elle s’ouvrît toute grande, et, pour ainsi dire, toute seule ? Il y aurait là de quoi m’inspirer un grand orgueil si, je ne connaissais le véritable artisan de cette élection, notre cher Philippe Gandillet, dont un épisode de la vie a inspiré un de mes romans, sinon le plus célèbre, du moins le plus achevé. Messieurs, je vous demande de tous vous lever de vos chaises et de faire un banc à notre éminent confrère (sic).
J'en rougis encore !
Quand il le publia " L'affaire Clémenceau : Mémoires d'un accusé ", Alexandre n’était pas encore un moraliste redouté. Il n’avait pas encore annoncé l’Évangile du châtiment. Il n’avait pas encore dit: "Tue-la ! " C’est précisément dans ce roman qu’il exposa pour la première fois cette doctrine impitoyable. Ce livre retrace, je le rappelle, l'existence éphémère de ma première épouse. J'ai été acquitté, rassurez-vous !
Clémenceau (c'est le nom du héros choisi par l'auteur) est beau, il est fort, il est intelligent et bon. Dès l’enfance, son génie se révèle : Conduit par hasard dans un atelier de sculpteur, il reconnaît sa vocation. Il est destiné à pétrir la glaise ; il est voué au tourment délicieux de fixer dans une matière durable les formes de la vie. Le travail le garde chaste. Mais jeune, ignorant et vigoureux, il est une proie facile pour l’amour.
Une nuit, dans un bal travesti, il rencontre Iza… Clémenceau, est devenu, dans l'intermède, célèbre en peu d’années. Il l’attendait. Il l’épouse, il l’aime. Il l’aime d’un amour à la fois idéal et esthétique. Pas bon… Il l’aime parce qu’elle est la forme parfaite et parce qu’elle est l’infini que nous rêvons tous. La jeune femme est naturellement impudique, menteuse, ingrate et lascive. Pourtant elle aime notre héros mais elle le trahit, parce que trahir est sa fonction naturelle. Elle trompe l’homme qu’elle aime, pour des bijoux ou seulement pour le plaisir de tromper. Elle se donne à des gens célèbres qui fréquentent sa maison, et cela pour le plaisir. Elle croise, complique, mêle ses mensonges ; elle ose tout, si bien que son mari est bientôt le seul cocu à Paris qui ignore sa conduite. L'adage est donc respecté !
Il l'apprend. Il la chasse. Mais il l’aime encore. Comment s’en étonner ? Ce n’est pas parce qu’elle est indigne qu’il l’aimerait moins. L’indignité d’une femme ne tue jamais le sentiment qu’on a pour elle ; au contraire, il le ranime parfois… Alors, ce malheureux Clémenceau s’enfuit jusqu’à Rome, où il se réfugie en plein idéal d’art. Il a voulu la fuir mais il l’attend, le misérable ! Il l’attend les bras ouverts. Elle ne vient pas. Là, au milieu de son luxe, paisible, elle compose un dernier chef-d’œuvre de perfidie… Elle séduit le seul ami qui soit resté à son mari.
C’en est trop, me direz-vous ! Et vous auriez raison, chers lecteurs… Il accourt, il se précipite chez elle, il la revoit, il la trouve charmante et amoureuse car elle l’aime toujours. Elle est belle, elle est irrésistible… Qu'auriez-vous fait ? Que fait-il ? Il la possède encore une fois et il la tue ! ... Reprenez votre souffle. Voilà pour l'histoire.
Les faits ? : De même, ma première épouse avait oublié que le mariage reposait sur la foi de contrats domestiques. La vertu des femmes est une vertu d’État et s'y soustraire nuit à la santé est-il mentionné dans le contrat de mariage. Voilà qui est bien mais il est aussi vrai qu’il est écrit " Tu ne tueras pas ". Je dois reconnaître que dans un moment de distraction, j'avais oublié ce précepte de la morale chrétienne qui me semble, aujourd'hui, infiniment doux et infiniment sage. Il prévaudra désormais dans mon futur commerce avec la gente féminine, si un jour, je devais récidiver… Votre dévoué. Philippe Gandillet
DUMAS FILS (Alexandre). Affaire Clémenceau. Mémoire de l'accusé. Paris Michel Lévy Frères. Grand In-8. Edition originale 1866. Reliure demi-maroquin à coins vert empire, dos lisse orné à la grotesque, lettres dorées, tranche supérieure dorée, page de garde papier coloré. Couvertures conservées, 353 pages à grandes marges. Reliure signée de L Pouillet. Menus défauts. Ex-libris Bel exemplaire. Vendu
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8 commentaires:
Ne pouvant faire de commentaire sur une décision de justice qui vous a été favorable je ne peux que vous féliciter d'avoir renoncé aux liens trop exigus du mariage.
Quelques fois, le soir, il m'arrive de regretter Iza. Je suis trop sensible... Ph Gandillet
Buvez un coup et ça passera !
Cet article donnera peut-être l'envie de relire Alexandre Dumas fils au style irréprochable. On est porté par cette histoire. On est pas obligé de cautionner non plus. Les hommes qui ouvrent leur cœur sont quelquefois pathétiques. Pierre
Je dirais que certains specimens féminins sont parfois assez sadiques pour torturer les pauvres hommes qui leurs montrent trop d'amour. En même temps, il n'est de relation harmonieuse que si l'on est rassuré quant à l'amour de l'autre.
Je ne pense pas que l'on soit pathétique si on est sincère.
Je lis rarement de romans modernes. Question de temps et de choix, simplement. Mais il me semble que le XIXe siècle est dominé par les rapports amoureux tordus entre hommes et femmes. Il faudra attendre les grands guerres du XXe siècle pour que les amours contrariés deviennent des amours impossibles et que l'union des cœurs soit possible. Où quand le tragique remplaça le pathétique... C'est un raccourci. Je peux me tromper. Pierre
Je vous conseille "Bonheur brisé" de A. Duchatelle...
Tout un poéme sur l'hystérie et les manigances féminines au 19ème.
Bonne journée;
Sandrine.
Nadia, ce n'est pas par sadisme que les femmes torturent les hommes qui les courtisent, c'est qu'elles ont trop bien retenu les principes inculqués par Barbara Cartland (entre autres)qui conseille aux femmes de toujours donner l'impression d'être une nymphe en fuite.
Pierre, il y a un peu de cela sans doute, mais la Grande Guerre a surtout montré que les femmes pouvaient tenir un rôle social important, ayant été laissé seules pour continuer à faire marcher le pays. Auparavant lorsqu'elles marchaient dans la rue elles se devaient de regarder le sol en permanence.
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