vendredi 23 avril 2010
François Villon illustré. Dubout, Touchet ou Emile Bernard ?
François Villon évoque pour moi le temps ou Lagarde et Michard sortaient du cartable sur ordre du professeur. On aurait du, d'ailleurs à cette époque, interdire l'étude de ce poète rebelle aux adolescents qui ne l'étaient pas. Sorti d'un contexte historique que l'enseignant de français n'avait pas à éclaircir (cours d'histoire), nous ne pouvions comprendre l'enthousiasme non communicatif de notre professeur. Les mots médiévaux et leur signification, les versifications laborieuses et un sens caché du propos nous échappaient le plus souvent au point de regretter les cours de physique où l'on pouvait, au moins, apprécier les jolies courbes de notre professeure… C'est peut-être pour ceci, qu'aujourd'hui encore, François Villon m'intéresse plus par les illustrations présentées dans ses œuvres que par le contenu, lui-même, de ses poèmes. A vous de réagir si vous vous sentez l'âme d'un avocat intègre ou d'un laudateur impartial !
François de Montcorbier dit Villon est né en 1431 à Paris et a disparu de la circulation en 1463. Il est probablement l'auteur français le plus connu du moyen-age. La raison en revient, comme d'habitude, au hasard. Tout d'abord, Rabelais en fit un personnage dans ses œuvres (il le disait être en Angleterre) et vingt six ans après la disparition du poète, un libraire parisien se risqua à éditer ses poésies. Ainsi les mille quatre cent vingt huit vers de son Grand Testament (1461), les cinq cent trente cinq vers de ses ballades et les trois cent vingt vers de ses Lais ne se perdirent pas. J'ai cherché quel était le plus vieil exemplaire imprimé possédé par la B.N.F et j'ai trouvé un exemplaire de 1513. Où est donc l'exemplaire de 1463 + 26 = 1489 ? On trouve, par contre, des manuscrits de la fin du XVeme siècle à la B.N.F et à la bibliothèque de l'Arsenal.
Les romantiques en firent le précurseur des poètes maudits. Ce qui excita, et excite encore, le plus les imaginations dans l'existence de Villon, c'est sa brusque et totale disparition après son départ de Paris en 1463. Parti comme un courant d'air, il était bien inspiré en écrivant le refrain de sa "Ballade en vieux français" : Autant en emporte le vent… J'ai présenté un exemplaire de J.D.B. Je connais des bibliophiles qui vont râler ! Pierre
- VILLON (François) Œuvres de Maistre Francois Villon. Paris, Jean de Bonnot, 1969. In-8 reliure pleine basane fauve d'éditeur., dos a nerfs orne de caissons ornementes dorés a la grotesque, auteur et titre dores, tranches rouges, gardes fleur-de-lysées, 432 pp, illustrations dessinées et gravées par Emile Bernard in et h.-t. Impr. sur verge avec de l'encre mélangée de poudre d'or ! Vendu
- VILLON (François) Les œuvres. Paris, Editions Rombaldi 1950 - In-8 broché sous couverture rempliée, 156 pp. Illustrations originales en couleurs de Jacques Touchet, gravées sur cuivre et rehaussées au pochoir par Edmond Vairel. Exemplaire numéroté sur Vergé crème des Papeteries de Montécrain. Bel exemplaire. Vendu
- VILLON François. Œuvres. Paris, Gibert Jeune, 1941. - Petit in-8, demi basane, dos orné d'un motif dessiné par Dubout, couverture conservée et illustrée en couleurs. 61 compositions en couleurs de Dubout dans et hors-texte. Exemplaire numéroté sur vélin Navarre. Bel exemplaire. Vendu
Les Illustrateurs :
Émile Bernard. Peintre français (1868 – 1941). Gauguin et Bernard sont alors à un moment charnière de leurs évolutions artistiques respectives, ils se dirigent tous deux vers la synthèse conceptuelle et la synthèse formelle d'où naît le symbolisme de Pont-Aven: Le « synthétisme » se traduit par une suppression de tout ce qui n'est pas mémorisé après la visualisation, les formes sont simples et la gamme de couleur est restreinte. Pureté.
Albert Dubout (1905-1976) "Tes couleurs sont aussi belles, aussi originales que ton dessin. Tu es sans aucun doute le plus grand illustrateur de notre temps, et ton trait est incomparable. Une sûreté, une force et une finesse qui font penser aux plus grands asiatiques. Ce ne sont pas des tableaux transposés, ni des aquarelles, ni des dessins. C'est aussi fort que des eaux-fortes, mais plus fin et plus délicat, et tes couleurs, toujours surprenantes, sont un régal pour l'œil. Albert, tu es le Roi ! " Marcel Pagnol. C'est tout dire...
Jacques Touchet est un illustrateur français, né en 1887 et mort en 1949. Il a été l’élève de Paul Renouard et de Louis Morin, a collaboré à l’hebdomadaire l’Illustration et réalisé des dessins publicitaires. Celui que je préfère d'habitude, sauf dans l'œuvre de Villon où Dubout le surpasse.
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30 commentaires:
Ah, les Lagarde et Michard de mon père ! Je les ai lus pour le plaisir. Je lui ai même offert le volume qui manquait à sa collection.
J'ai appris La Ballade des Pendus quand j'étais en troisième (il y a 20 ans, argh !), je la connais toujours ; la mémoire est une chose incroyable.
J'aime beaucoup François Villon, je trouve son écriture étonnamment moderne.
J'apprécie particulièrement les illustrations de Touchet (j'aime encore plus celles d'André Marty, dans L'Oiseau Bleu par exemple).
La ballade des pendus est à la fois un hymne à la rédemption des vivants (les morts à moindre dose) et un poème où l'auteur accepte son sort sans en vouloir à son prochain ; indifférent à la manière du capitaine d'un navire qui coule et qui accepte d'être englouti avec lui. En ce sens, il marque la mémoire des étudiants, c'est certain.
Bergamote, je suis heureux qu'un lecteur fasse l'éloge de Touchet. Je l'ai présenté déjà car il a parfaitement et avec finesse illustré Daudet et Louÿs, entre autres. Je dois reconnaitre que pour Villon, les dessins de Dubout tapent juste car il possède une truculence naturelle qui s'accorde, tout du moins, aux ballades.
Il faudra absolument que je présente un florilège des illustrateurs modernes, bientôt. Louis Jou, dont je suis admirateur, ne sera pas oublié. Pierre
Touchet n'est pas au même niveau que Louis Jou... je ne parle pas de ses qualités artistiques, mais de sa cote ! du coup il est bien mieux représenté dans ma bibliothèque.
Et personnellement je préfère Marty, que je trouve beaucoup plus fin et délicat, élégant.
Horreur ! JDB dans ces pages ! Arghh... (enfin, il faudrait que je vérifie qu'il n'en traîne pas quelques exemplaires dans certains de mes rayonnages...)
Qui est mieux représenté dans votre bibliothèque ? Louis Jou ou Touchet ? Vous m'intéressez, calamar ;-))
J.D.B , c'était pour Bertrand mais on ne peut faire l'impasse sur Émile Bernard, non plus.
D'accord avec vous pour Marty, qui a d'ailleurs illustré Daudet ; comme Chopy, comme... Ce futur billet me plait déjà ! Pierre
Hélas, mille fois hélas, c'est Touchet le mieux représenté... mais il y a une vente Alde prochainement, avec de nombreux Louis Jou, dont certains abordables. Attendons... et il est vrai que dans quelques cas JDB a rendu accessibles des ouvrages intéressants.
Je découvre l'offre d'Alde. Je serais curieux de savoir quel sera le prix final des œuvres illustrées par Jou. Peu au fait des règles des Salles des ventes, je crois que cela est possible sur demande écrite ? Pierre
JdB.... Aaargh. L'horreur... Pierre qu'allez vous pouvoir faire pour être pardonné? On est là dans le crime de lèse-bibliophilie!
:)
Hugues
Demain soir, je fais un petit entretien sur la bibliophilie à l'attention de notables vauclusiens. Beaucoup possèdent vraisemblablement ces éditions bourgeoises avec fierté.
Il me sera difficile d'être blessant en cassant un mythe. Je ferai un péché par omission ! Pierre
Les Jean de Bonnot ne sont pas des livres spéculatifs. Ce sont d'honnêtes livres d'ornement et celui qui s'en procure en a "pour son argent".
Peut-être auront-ils quelque valeur dans deux cents ans ? Mais cela reste douteux, eu égard au grand nombre d'exemplaires disséminés et à la valeur imaginaire supposée par leurs possesseurs, qui les pousse à en prendre soin et à ne pas les laisser se détruire.
Leur plus grand défaut reste, me semble-t-il, que ce ne sont pas des livres faits pour des lecteurs, leur grand nombre de coquilles l'atteste.
Mais de là à les dénigrer systématiquement il y a un abîme.
Et s'ils jouaient un rôle initiateur dans l'envie de se procurer d'authentiques merveilles ?...
il manque quand même à la plupart d'entre eux une deux qualités importantes : un travail d'éditeur (souvent quasi fac-similé) et un travail "artistique" (illustrations rarement originales). Mais bon, à ces prix... il est étonnant de voir, d'ailleurs, que dans quelques cas certains se vendent plus cher sur ebay que chez l'éditeur.
Affaire de définition :
Si le Bibliophile est amateur de livres rares et précieux, les ouvrages de JDB ne répondent pas aux critères requis, en effet. Et d'autant plus que les possesseurs, en en prenant soin ; Jean-Michel l'a très bien remarqué ; en ôtent tout espoir spéculatif.
Si le bibliophile, au sens large, est une personne qui aime les livres, les collectionne et les entretient, alors là...
Il est un peu gênant, quand même, d'admettre que le ticket d'entrée pour la bibliophilie soit le prix. Pas politiquement correct, tout çà !
Imaginons une édition de très belle qualité, dans une belle livrée, avec de belles gravures... Elle répondrait aux critères exigés par le bibliophile, n'est-ce pas ? Imaginons cette même édition produite en très grande quantité, donc abordable. Resterait-elle convoitée par ces mêmes bibliophiles ?
Un ouvrage de la pléiade est-il un ouvrage de bibliophile ? Un album de la pléiade (le Balzac, par exemple) est-il un ouvrage de bibliophile ? Vous le saurez si vous allez à Villeneuve les Avignon, lundi soir ;-)) Pierre
effectivement, le prix n'est pas un bon argument. Au début du siècle, on parlait de "demi-luxe" pour des livres honorables, abordables, et un peu recherchés maintenant (Mornay, Cyral, par exemple), avec des tirages supérieurs à 1000 exemplaires. Et les albums de la Pléïade sont très recherchés, bien que de prix minime (!), au moment de leur parution.
Ce qui me gêne plus, c'est l'aspect fac-similé. Une photocopie de gravure, ce n'est pas une gravure, quand même ! non mais, screugneugneu...
Encore JDB...
J'ai commencé en achetant des incomplets de livres du XVIIIe ou du XIXe siècle, en reliures d'époques, fussent-elles à l'état d'épaves.
Ce que je cherchais alors, c'était l'émotion, l'histoire, ce lien au temps, cette brève histoire du temps dirait Stephen Hawking.
JDB ? Ça me fait penser à un succédané, une meringue déguisée en truite de Schubert, un travesti du bois de Boulogne déguisé en Arsène Lupin. Notez que je n'ai rien du tout contre les travestis du bois et encore moins contre le brave Lupin ! Mais il faut appeler un chat un chat.
Quand je vois une publicité pour JDB dans un programme TV entre la pub pour le foie gras Montfort (c'est mon faible) et les escaliers électriques pour personnes âgées dépendantes... je pouffe...
Maintenant je ne jetterai pas la première pierre à celui qui croit que grâce à JDB il pénètrera "l'émotion bibliophile". Peut-être lui jetterais-je la deuxième.
Croire que la bibliophilie ça s'achète parée de faux cuir de mouton industriel et dorée à l'or fin "poudre aux yeux" je veux bien...
Mais comme disait un ami cinéaste-dialoguiste que j'aime à citer : Faudrait pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages.
B.
Je voulais voir si vous étiez encore vivant, Bertrand, et je suis rassuré ;-))
Je trouve que les arguments de calamar et de Jean-Michel sont suffisamment étayés pour aider le bibliophile dans son apprentissage. S'il n'est pas secondé par des conseils amicaux et professionnels, l'amateur de livres a quelques risques de mal s'orienter dans son approche de la bibliophilie et c'est pour cela que vos remarques sont nécessaires.
Voilà ! Tel est mon credo et la modeste utilité de ce blogue. Votre avis éclairé aux accents Céliniens cautionne donc mes billets facétieux. Pierre
Vivant... mais mort !
B.
JDB : l'article le plus consulté et le plus commenté sur BiblioMab... Comme quoi !
Tiens je l'avais ce JDB à l'époque, trouvé à Emmaüs, la reliure partait en petits morceaux...Erreur de jeunesse : je l'ai refilé à ma mère ;-)))
Léo
Erreur dont vous avez su tirer profit puisqu'elle vous a permis d'affiner vos choix... Je ne dis pas que JDB soit le passage obligé vers la bibliophilie mais je constate que beaucoup y sont passés !
J'arrive de ma petite présentation sur la bibliophilie. Le sujet semble porteur. J'ai même évoqué rapidement JDB ;-)) Pierre
pas trop de désappointement dans l'assistance ? aviez-vous apporté des échantillons comparatifs ?
J'avais, en effet, illustré mon petit entretien par la présentation de différentes reliures, différentes éditions et différentes provenances. Pas de JDB là dedans, bien sûr, mais quelques éclaircissements qui ont permis aux amateurs de livres de s'y retrouver.
Il faut voir dans le plus heureux hasard que mes propos ont conquis l'auditoire puisqu'une personne s'est présentée à la fin de l'intervention pour que je réitère l'expérience plus au Nord du département...
Si la conjoncture est bonne, je devrais rejoindre Paris avant l'été ;-)) Pierre
(En plus, j'ai très bien dîné et la salle de réception était luxueuse)
les résultats de la vente Alde sont en ligne :
http://www.alde.fr/FR/v14032-alde-livres-modernes/index.html
Merci pour ce lien. J'avoue méconnaitre le marché des salles de vente et si l'on ne peut lui assigner à lui seul, la tendance du marché, il donne des indications pour les libraires qui cherchent à étayer leurs prix, autant à l'achat qu'à la vente...
Bonne nouvelle : Louis Jou semble garder la cote. Le Tartarin ,même bien illustré, m'a paru cher et il faut avouer que celui-ci dépasse les moyens de mes clients et de leur libraire. Il s'agit là d'un exemplaire de collectionneur. Pierre
j'avoue que pour moi l'estimation d'un livre est un grand mystère... je me fie souvent à l'estimation de l'expert, c'est son rôle... et je pondère en fonction de mes critères personnels (centres d'intérêt, et envie, ou manque). Pour cette vente, j'avais misé plutôt assez élevé par rapport à d'habitude, et je n'ai rien eu ! (alors qu'à la vente précédente, en misant assez bas, j'avais obtenu 5 lots sur 7...)
donc, comme dit au début : c'est un grand mystère !
L'expert se base sur le prix en salle des ventes ! On se mange la queue...
J'avais moins de soucis à estimer le prix d'un livre quand je n'étais qu'acheteur. Dorénavant, c'est une préoccupation qui me donne de la peine. J'ai des scrupules à "taper fort" (c'est comme ça qu'il faut dire) un livre que j'ai eu bon marché alors qu'il le vaut largement et j'ai de la tristesse à me débarrasser d'un bon ouvrage à un prix ridicule sur lequel je ne fais pas assez de marge.
Tout ceci n'est rien par rapport aux contreparties, heureusement. Le commerce des livres anciens est un régal ! Ouvrages de qualité, clients de qualité et chasse aux trésors garantis.
A ce propos. Merci pour vos commentaires ! Pierre
eh bien finalement, j'ai eu un livre à la vente Alde ! et un Louis Jou ! je pensais n'en avoir aucun, mais ce farceur de commissaire-priseur m'en a adjugé un, au dessus de mon ordre... je ne vais pas me plaindre. C'est ce qu'on appelle un "lot de consolation" !
Le psyché ? Il y a des gravures avec de forts jolis tons verts en frontispice. Plus beaux ? Les bleus des lettrines du Bossuet, peut-être. Pierre
oui, c'est bien le Bossuet.
Je viens de regarder l'adjudication. En effet, c'est un très, très beau lot de consolation ;-))
Dommage que je ne sois pas parisien. Pierre
je ne le suis pas plus, mais quand je reçois un catalogue, je ne peux pas m'empêcher de miser, pour ne pas faire de la peine à l'expert qui pense à moi !
J'adore ce livre, je le trimbale avec moi depuis toute petite!!!
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