C’était dans ma bastide de Tarascon, après diner, il y a quelques jours. On avait allumé dans la cheminée du salon une de ces joyeuses flambées d’hiver que le mistral et la fraicheur de la nuit, soudainement venus, rendent si charmantes à voir et à sentir. Dehors, le vent se faisait entendre énergiquement. Tordus par son souffle puissant et sonore, les arbres du parc, qu’on apercevait à travers les fenêtres, se démenaient comme de pauvres diables… A la pâle clarté de la lune naissante, on voyait leur noire silhouette s’agiter d’une façon inquiète et prendre des poses inattendues sur l’azur sombre du ciel. En même temps, dans la cheminée, et sous les portes toujours mal jointes des vieilles maisons provençales, le vent poussait de sourdes plaintes, formant ainsi un accompagnement lugubre au chant gai des sarments qui crépitaient dans l’âtre, d’où des étincelles s’élançaient comme un feu d’artifice. Pierre était assis en face de moi : sombre et désabusé comme le capitaine d’un navire, prêt à couler avec son bâtiment lors d’un naufrage…
- "A quoi donc serviraient les livres si l’on n’apprenait pas, dans leur commerce, à s’en passer ! me dit-il après un long moment de silence pendant lequel il avait fait distraitement glisser le bord de son verre d’armagnac contre ses lèvres.
- C’est une réflexion tapée du bon sens que devrait se poser tout libraire avant de débuter ce métier, lui répondis-je
- Savez-vous que j’entame ma cinquième année d’exercice ? Si Dieu me prête vie, j’ai pris la décision d’arrêter cette profession après ce même intervalle. Non pas par lassitude, je dois vous le préciser, mais par obligation.
- Par obligation ? Tiens donc ! Je sais que le livre est un ami cruel, qu’il a des exigences impitoyables ; mais quand même… Et que ferez-vous de vos livres ? Bibliothecam vendat ? "
Oh! Quand j´entends chanter Noël
J´aime revoir mes joies d´enfant
Le sapin scintillant, la neige d´argent
Noël, mon beau rêve blanc…
J´aime revoir mes joies d´enfant
Le sapin scintillant, la neige d´argent
Noël, mon beau rêve blanc…
- "Vous aimez, vous honorez le livre ; vous le voulez parfait sur le fond comme sur la forme et que rien ne lui manque. Il vous faut un bon relieur, un vrai papier de Hollande ; vous avez la manie du maroquin du Levant, vous recherchez les marques des anciens imprimeurs. Qui mieux que vous distingue une reliure de Derôme l’ancien, un livre de Derôme le jeune ? Vous savez la valeur du Boccace de 1527, orné de la reliure en vélin de Venise avec les a pointus. Vous apprenez encore et vous partagez votre savoir. Pensez aux pauvres diables qui n’ont pas eu la fortune ou le temps de réunir, comme vous, une suffisante quantité de bons livres pour faire un beau catalogue ! "
Oh! Quand j´entends sonner au ciel
L´heure où le bon vieillard descend
Je revois tes yeux clairs, Maman
Et je songe à d´autres Noëls blancs.
L´heure où le bon vieillard descend
Je revois tes yeux clairs, Maman
Et je songe à d´autres Noëls blancs.
On ne connait pas de cas où un bibliophile se soit
séparé de ses livres pour devenir une star de la chanson… Votre dévoué.
Philippe Gandillet
4 commentaires:
Je suis partagé...
Tristesse d'apprendre qu'il me faut attendre encore cinq ans pour prendre ma retraite, joie de savoir que celle-ci sera aimable.
Vivement !...
Jean-Michel
Je crois que vous avez eu l'insigne privilège, Jean-Michel, d'assister à une représentation musicale de Pierre... On me dit qu'il aurait, depuis, progressé à force de cours intensifs de chant avec les meilleurs professeurs de la région.
Il enviera surement votre retraite, lui qui devra courir de cachets en cachets pour payer ses choristes... Ph Gandillet
Pierre est bien le seul libraire-chanteur à ne rien proposer à la vente la veille de Noel !!
Textor
J'avais pensé à vous proposer un récital ;-)) Pierre
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