Évidemment Flaubert… Je réalise cependant que, depuis plus de quatre ans que je propose des ouvrages sur ce blog, je n'ai jamais présenté un livre de cet écrivain. A quoi peut bien tenir ce désamour involontaire ? Peut-être au fait qu'on nous a tellement dit, pendant nos études, que son style était parfait, son phrasé exceptionnel, que ses intrigues étaient réalistes, son regard lucide et que la trame de ses œuvres était emblématique de son époque qu'il a finit par m'intimider. Et puis cet auteur qui déclame à haute voix ses chapitres, face à la fenêtre, dans sa maison de campagne normande… ça fait un peu cliché, à la fin !
Je vous propose à la vente, aujourd'hui, une de ses œuvres
tardives éditée en 1877 : Trois contes qui comporte qui trois nouvelles : Un cœur simple inspiré
par Julie, nourrice puis domestique qui servira l'auteur jusqu'à sa mort, La
légende de Saint Julien l'hospitalier, conte médiéval commencé en 1844, et
Hérodias abordant la vie de Saint Jean-Baptiste. Très hagiographique, tout ça !
Flaubert était, en effet, bon catholique même si quelques-unes de ses
virées nocturnes avec Maupassant ne l'étaient pas…
" L'histoire d'Un coeur simple est tout bonnement le
récit d'une vie obscure, celle d'une pauvre fille de campagne, dévote mais mystique,
dévouée sans exaltation et tendre comme du pain frais. Elle aime successivement
un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, un vieillard qu'elle soigne,
puis son perroquet ; quand le perroquet est mort, elle le fait empailler et, en
mourant à son tour, elle confond le perroquet avec le Saint-Esprit. Cela n'est
nullement ironique comme vous le supposez, mais au contraire très sérieux et
très triste. " C'est lui qui l'écrit !
A propos du deuxième conte, il écrit aussi dans une lettre à sa nièce Caroline : " Le petit Julien l'Hospitalier n'avance guère. Il m'occupe un peu ; c'est là le principal. Enfin je ne croupis plus dans l'oisiveté qui me dévorait ; mais j'aurais besoin de quelques livres sur le Moyen-Age ! Et puis, ce n'est pas commode à écrire, cette histoire-là ! Je persévère néanmoins, je suis vertueux. "Il faut dire qu'à cette époque, il a des difficultés financières liées à la faillite de son neveu par alliance. Alors il besogne…
Vous connaissez tous cet épisode maintes fois représenté par
les peintres : dans sa citadelle, Hérode retient prisonnier Jean-Baptiste, qui
condamne publiquement son union incestueuse avec Hérodias, sa nièce. Celle-ci,
qui n'était poussée que par l'intérêt, craint d'être répudiée. Lors d'un grand
festin, Salomé, fille d'Hérodias, danse pour Hérode, puis demande, et obtient,
la tête de Jean-Baptiste. " L'histoire d'Hérodias, telle que je la
comprends, n'a aucun rapport avec la religion. C'est ce qui me séduit là-dedans.
" disait Flaubert. Nul doute que cet excellent connaisseur des hommes ait
trouvé là un bon prétexte pour une étude sociologique…
La publication de ce livre fut bien accueillie par la
critique. Elle fut confiée à Georges Charpentier. Cette œuvre que Flaubert mit
près de 30 ans à écrire dans sa totalité constitue sa dernière production
romanesque achevée, puisqu'il devait mourir trois ans après sa publication. Je
propose ici un ouvrage de 1883, publiée par son voisin normand, Alphonse
Lemerre. Plein maroquin, cartonnage (peut-être) éditeur au carton un peu fin comme cela se faisait à
l'époque, cet ouvrage, au fameux format " petit in-12 " (in-16 ?) et à la célèbre enseigne
du bêcheur devrait rejoindre les petits volumes élégants que les bibliophiles
exposent souvent devant tous les autres… Pierre
Trois contes. Un coeur simple.La légende
de Saint Julien l'Hospitalier. Hérodias. Paris, Alphonse Lemerre éditeur, 1883. Un volume in-16 (160x95 mm).
Plein maroquin vert olive, dos à cinq nerfs, titre doré, filet sur les coupes
et les coiffes, roulette et filets au contre-plat avec gardes colorées, tranche
supérieure dorée. 207 pages. Dos insolé tirant sur le brun, frottements
superficiel sur la reliure, intérieur parfait. 70 € + port
7 commentaires:
Bon catholique, Flaubert ? C'est à voir. Ou plutôt, c'est tout vu.
Un seul exemple, parmi tant d'autres possibles, une lettre de 1860 :
« Vous vous étonnez de ma rage antireligieuse, en voici la raison immédiate : c’est qu’à chaque moment de mes études, je touche à la Bible, et dans la Bible, au Dieu actuel, à celui des catholiques, qui m’exaspère de plus en plus par son côté restreint, borné, oriental, monarchique. C’est un Louis XIV, un sultan, je ne sais quoi d’humain, qui me semble, en définitive, très piètre, et dont la conception me paraît très impie. » À Edma Roger des Genettes. [1860].
Une éducation religieuse, c'est sûr, et comme souvent, un homme tenaillé par le doute à certains moments de son existence. Cette lettre révèle, en effet, un homme en colère contre un Dieu qui ne semble pas atteindre le niveau de ses exigences...
J'en prends bien note et modifie mes à priori scolaires ;-)) Pierre
In-12 ou in-16 ? en principe ça se reconnaît aux signatures. J'ai regardé sur le seul Lemerre que j'aie mais c'est moins évident qu'on ne pourrait le souhaiter puisqu'il est relié par cahiers de huit pages, qui portent chacun une signature. Mais si je compte bien, ça ne pourrait pas marcher avec un in-douze où un cahier de huit pages devrait être suivi d'un cahier de quatre. J'aurais donc tendence à penser qu'il s'agit bien d'un in-seize (d'autant que c'est quand même réellement petit…).
Toutes les notices indiquent " petit in-12 " mais j'en ai proposé une avec in-16 il y a peu de temps et personne ne m'a rien dit.
Donc, je récidive... Pierre
Bon, toutes les notices peuvent avoir tout faux. Les gens, même les bibliophiles, sont rarement bien au fait de cette notion de format, à savoir du nombre de pages contenues dans la forme d'impression. De toutes façons, petit in-12 ça ne veut rien dire, il faudrait parler, à la limite, d'in-douze carré ou d'in-douze Jésus. Là ça aurait un sens, mais ce serait de toutes façons plus grand que les Lemerre, dont on ne voit pas l'intérêt qu'il aurait eu à imprimer sur des feuilles plus petites.
In-seize, Pierre. Je dirais même demi-feuille in-seize en deux cahiers (la demi-feuille est une réalité assez borgèsienne :comme on imprime la retiration, le verso, quoi, avec la même forme, on n'est pas loin de la notion de feuille avec une seule face).
(Hum, j'ai dans l'idée que quelques schémas seraient bien venus pour expliciter mon propos…)
Vous êtes une autorité que l'on ne contredit pas, Pascal ;-))
Merci. Pierre
Vouai, ben en fait d'autorité, moi qui suis si fier de mon orthographe, voilà que j'ai écrit tendance à l'anglaise (tendence, de tendency ?). Comme quoi…
;-D
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