lundi 8 juillet 2013

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : L'étincelle du génie...


Il en est un peu, à certains égards, de Pierre Brillard, par rapport à Pierre Berès comme d’Anatole France vis-à-vis de Philippe Gandillet. De même que la gloire du chef incontesté de l’Académie française empêche l’auteur du Lys Rouge ou de l’Ile des pingouins d’occuper dans l’admiration des foules la place à laquelle il aurait droit, de même l’éblouissant rayonnement de la vente des ouvrages du plus grand des libraires du monde fait qu’on ne considère généralement notre libraire tarasconnais que comme son reflet pâli…


Que ne s’occupe-t-on, avec le même zèle, de mettre en lumière la beauté des ouvrages proposés en sa librairie, les raisons pour lesquelles il diffère du maître dans le choix de ses livres et les qualités propres à son commerce ? C’est cette insignifiante question que je me suis posé en ouvrant la boutique, ce matin, et en découvrant le parfait ordonnancement, la qualité et l’extrême variété des exemplaires en présentation sur les rayonnages de la librairie. Pierre m’avait préparé pour la vente un ouvrage apparemment banal mais dans une somptueuse reliure. Je me suis dit que Pierre Beres n’aurait pas résisté à l’attrait de posséder un tel exemplaire…


D’abord le titre : L’étincelle électrique. Quel génie ! Cette étincelle est peut-être le plus frappant des phénomènes qui sont produits par la nature. Ses modifications sont le sujet de mille expériences, qui charment la vue, et qui, lorsqu’on veut les approfondir, excitent à la recherche des plus intéressants problèmes de philosophie naturelle. La petite lumière qui jaillit à l’extrémité d’un long fil de cuivre, instantanément, au gré de l’opérateur, les flots de lumière éblouissante que lance un phare électrique, rival du soleil, ne sont pas moins sujets d’admiration que la contemplation d'un ciel parsemé d’étoiles…


Les étoiles : Elles illuminent les gardes colorées de cet ouvrage. Quel brio ! Généralement, les reliures comportant des gardes aussi recherchées sont des reliures de luxe, en maroquin, souvent aux armes. Cependant, dans ce cas, la reliure est dépourvue de décor ; un simple demi-veau glacé havane à coins où les plats reprennent le magnifique papier.  De telles gardes apparaissent comme un signe de raffinement : signe d’un attachement personnel à un livre ; signe d’un statut discrètement distinctif ; voire, signe d’un rang dont le possesseur se dote légitimement ; signe néanmoins dissimulé de dépense mesurée ; signe de déférence au texte sans obséquiosité, de subordonné à supérieur, comme quand le livre est une œuvre parfaite où rien ne tranche…


Les tranches : Elles s‘harmonisent avec les gardes. Quelle perfection ! C’est à peine si l’on remarque les tranchefiles qui les bordent. J’admire l’obstination qu’apportent certains artisans à rechercher la perfection. Est-ce là ce que l’on est convenu d’appeler la mission de l’ouvrier d’art ? Il n’en est pas de plus haute, de plus féconde et dont personne ne peut s’acquitter que muni d’un amour exclusif pour le beau livre. Doté d’une sensibilité aiguisée, le relieur a dû, ici, laisser aller son enthousiasme au mépris des thèses qui voudraient qu’un ouvrage sur la science n'ait pas d'élégance.


L’élégance : On la retrouve dans les illustrations sur bois. Quelle classe ! Voit-on jamais des manipulateurs exercer leurs expériences en chemise à dentelle ? Réalisme charmant que nous offrent les graveurs, où la vérité s’agrémente de douceur, se pare de noblesse, parle un langage d’une sincérité exquise, d’une spontanéité dont la fin du 19eme siècle est peu coutumière. Point de fausse éloquence dans cet ouvrage, point d’attitudes déclamatoires, nulle recherche d’effet pour l’effet ! Au contraire, une simplicité absolue dans les démonstrations exempte de lourdeurs, de gaucheries comme dans mes propres œuvres... Ici le propos est limpide et l’étincelle électrique nous éclaire sur les progrès de la science. 


Plus tard, on dira que le livre que je propose aujourd’hui à la vente provient du fond de la fameuse librairie ancienne de Tarascon. Au décès de son propriétaire, si un jour il meurt, on fera un catalogue des ouvrages encore en vente sur ses rayonnages. On  le comparera surement avec celui de la fameuse vente Berès. Mais là, c’est moi qui en ferais la préface ! Votre dévoué. Philippe Gandillet


CAZIN (A). L'étincelle électrique. Bibliothèque des merveilles. Paris, Hachette, 1876. Un exemplaire in-8 (18cm / 12cm). Reliure demi-veau glacé à coins, plat et gardes colorées, dos à nerfs orné de caissons  à motifs dorés, pièce de titre en maroquin vert et lettres dorées, filets et roulettes, toutes tranches jaspées,. 315 pages. Ouvrage illustré de 76 gravures sur bois par Bonnafoux et Jahandier. Belle reliure, très bon état, infimes rousseurs en début d'ouvrage. 48 € + port

3 commentaires:

calamar a dit…

un Cazin (et un vrai) bien relié à 48 euros, et même pas mentionné dans le livre de Jean-Paul !

Pierre a dit…

Son "Éponyme galvaudé" n'en fait pas mention, j'ai vérifié ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

Du même Achille Cazin, aussi dans la Bibl. des Merveilles, je possède un ouvrage intitulé "La Chaleur" dans la classique reliure bleue.

René