mercredi 3 mars 2010

Lucien et Sacha Guitry. Tel père, tel fils !


J'ai deux grands garçons de 26 et 22 ans, à peu près. Mon épouse qui les considèrera toujours comme des enfants vous dira qu'ils ont 25 et 21 ans…

Je me suis souvent posé la question de savoir quelle serait mon influence sur la vie de mes enfants et si cette dernière serait bénéfique pour eux. Je n'ai pas connu mon père (aucun misérabilisme dans tout cela) et j'ai donc pris chez d'autres, les modèles de promoteur qui me semblaient les plus fiables et les plus performants pour réussir un pareil défi. D'où ces questions récurrentes et ces réponses récurantes.


- L'image d'un père est-elle toujours écrasante aux yeux d'un fils ?

Le père est le modèle par excellence. Plus il est exemplaire, plus son fils se sentira stimulé... ou écrasé. Dans ce cas, la mère a un énorme rôle à jouer : elle doit être confiante et encourageante. Si le fils est « cassé » à la fois par une image paternelle forte et une mère accablante, c'est mal parti...

- Que cherche un fils chez son père ?

Il cherche à lire de l'admiration dans ses yeux, quelque chose comme « tu es le meilleur ! ». Les pires mots qu'un fils puisse entendre de la part de son père, c'est « tu m'as déçu ». Père et fils sont dans l'attente d'une estime réciproque.

- A l'inverse, que cherche un père chez son fils ?

Il recherche la confirmation qu'il est un bon père. C'est essentiel, car cela donne l'idée d'une continuité d'existence.

- Le fils peut-il être une menace ?

Consciemment, tous les pères ont envie que leur fils les dépasse. Inconsciemment, il en va tout autrement. Par exemple, les relations père-fils sont marquées par une rivalité, le fils cherchant, selon le complexe d'Oedipe défini par Freud à écarter son père pour séduire sa mère. J'ai trouvé une parade originale à ce problème en cherchant systématiquement à écarter mes fils pour séduire leurs fiancées…


Tout ceci pour vous dire que les relations entre Lucien Guitry, le Père, et Sacha Guitry, le Fils, devaient aussi répondre aux mêmes règles. Lucien Guitry était un homme mordant, hautain et joyeux. Un homme de la race des grands seigneurs. Son influence sur son fils, fut immense. Et comment Sacha n'aurait-il pas été ébloui par un père que tout Paris admirait ? On attendait de lui des répliques d'une drôlerie continue et il s'en jouait à merveille. J'ai l'impression que Sacha, dès l'enfance, remarqua les procédés de son père pour déconcerter son interlocuteur et j'imagine que certaines de ses tirades étaient le fruit de saillies paternelles.

Que de fois l'entendant jouer ses pièces, on entendait parler son père ! Même physiquement, ils en étaient arrivés à se ressembler. Lucien avait un physique de bûcheron, construit pour jouer le brutal amant de Lady Chatterley. Sacha avait aux séductions de la puissance toutes les grâces de l'esprit. Plus tard lorsqu'ils vieillirent tous les deux, ils portèrent des bretelles à tendeur pour effacer le ventre. Malgré ceci et grâce à ceci, ils ne perdirent jamais, ni leur dignité ni leur pantalon …


Des exemples de ressemblance ? Le jeu immobile que Lucien Guitry ramena de Russie et qui se propagea à tout le théâtre de cette époque se retrouva dans les pièces de Guitry fils où l'on ne bougeait que si l'action le commandait. Le père et le fils portèrent toute leur vie des feutres qui accentuaient leur genre " artiste " et ils le portaient de travers avec un chic incomparable. On retrouvait dans les moindres plaisanteries de Sacha Guitry le reflet, l'ombre de ce qu'était son père. Et c'est pourquoi Sacha souffrit comme une affreuse blessure de la brouille qui les sépara pendant tant d'années. Comme ils le regrettèrent ensuite ! Mais aucun des deux n'aurait accepté de faire le premier pas.

Je ne vous présente pas de florilège de leurs bons mots. Vous les trouverez dans les deux ouvrages ci-après.


LAUWICK (Hervé). Le merveilleux humour de Lucien et Sacha Guitry. Paris, 1959. Librairie Arthème Fayard. 6eme édition, année de l'édition originale. In-8, 189p. Reliure demi maroquin brun à coins, 3 faux nerfs très élégants, titre et auteur en lettres dorées, page de garde de la même nature que les plats. Tranche supérieure dorée. Reliure qui mériterait d'être signée (celle-là n'a encore jamais été faite !). Dos et couverture conservés. Vendu

GUITRY (Sacha). Jusqu'à nouvel ordre… Paris sd (1950). Maurice de Brunoff éditeur, in-8 sans pagination, reliure éditeur en demi basane avec 4 faux nerfs, pièce de titre en maroquin marron et auteur en maroquin rouge et motifs entre les nerfs et lettres dorés. Très bon état, reliure élégante. 24 € + port

On hérite des qualités et des défauts de ses parents, dit-on. Quels défauts ? Pierre

6 commentaires:

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Personnellement, mon père passait ses dimanches à restaurer sa maison ancienne... mission réussie... je sais à peine planter un clou et encore moins poser la moquette (vous me direz que ce n'est plus trop à la mode).

De mon côté, je n'ai qu'une petite fille de bientôt 5 ans donc les garçons... connais pas !

Et puis de toute façon, je ne veux que des filles... c'est plus amusant et moins sérieux ! (sourire)

B.

Jeanmichel a dit…

Aïe, Bertrand ! Toutes les filles ne sont pas des Sophie.
Plus qu'un modèle, Lucien Guitry était une légende pour Sacha.
Dans "Et Versailles vous est conté...", recueil des textes des émissions radiophoniques diffusées à la suite de son film "Si Versailles m'était conté", il écrit :
"Je me souviens de mon père quand il jouait le rôle de Pasteur, dans la pièce que j'avais écrite pour lui. Aussitôt maquillé, ce n'était plus le même homme. Il gardait aux entractes un silence obstiné - et il donnait à croire que des questions biologiques occupaient, seules, sa pensée - et je ne sais pas jusqu'à quel point ce n'était pas vrai.
Autosuggestion - mimétisme - génie...?
Qu'on appelle cela comme on voudra, mais c'est un fait.
Au deuxième acte du "Tribun", le professeur Thiroloix a constaté que Lucien Guitry se donnait réellement la crise cardiaque dont il faisait le simulacre - et c'est de cela qu'il est mort un mois plus tard."

jpp a dit…

Père"exemple" mais non Père "exemplaire" que Lucien pour Sacha..
Une fois encore Pierre (se) pose des questions dont la moindre réponse ouvre autant de discussions.
Il aurait pu citer les pères nobles,les pères tyrans,les pères absents,les trop présents, la littérature abonde de chacune de ces figures.
Ne pas oublier toutefois que le père est avant tout celui que désigne comme tel la mère et que la vraie figure est celle du père nourricier.

Pierre a dit…

La figure du père est souvent malmenée dans la littérature. J'imaginais le pire , et je ne sais pourquoi, c'est le couple Père Goriot /Folcoche qui m'a paru le plus détestable... Alors, un Lucien Guitry, même peu exemplaire, me parait bien préférable.

Je cherchais de mémoire. Un père de type "mon père, ce héros" autre que dans la gloire de Pagnol, c'est qui pour vous ? Pierre

NB : La reliure sur le livre de Lauwick a bien plu !

Jeanmichel a dit…

Après une petite période d'ostracisme due à une apparente indigestion de ma machine pour certains petits gâteaux je fais remonter ce fil pour confirmer que ce livre a en effet bien plu.
La reliure respire la qualité de l'artisan consciencieux et l'ensemble offre d'emblée un aspect solide, jusqu'aux tanchefiles rablées et d'un joli vert. La conception paraît démesurée par rapport au petit nombre de pages (environ 200). Le livre supporterait le double sans frémir, et les quelques petites imperfections décelables à la loupe le rendent plus charmant que criticable.

Jeanmichel a dit…

tranchefiles, avec un "r". Je ne me suis pas relu.