samedi 27 mars 2010

La numérisation. Une opportunité financière pour les libraires ?


Le blogue avait présenté il y a quelques temps, avec l'arrivée de l'ebook, une méthode pour effectuer une numérisation de garage.

http://livresanciens-tarascon.blogspot.com/2009/10/causerie-du-lundi-de-philippe-gandillet_19.html

Celle-ci s'avérait être difficile à mettre en place (sic) ce qui ne signifiait pas qu'elle était impossible. Beaucoup voient dans la numérisation, la mort de la librairie ancienne et c'est une opportunité récente qui m'a fait découvrir qu'elle pouvait néanmoins amener à certains confrères une source de revenu complémentaire : Je m'explique :


Un client qui prépare en ce moment un ouvrage sur la numismatique de l'Archevêché d'Arles (avant le dix-septième siècle) m'a demandé de lui trouver le "Gilles du Port ", livre de référence, s'il en est. Cette personne n'est pas regardante sur le prix des ouvrages qui sont nécessaires à sa bibliothèque de travail car elle rechigne à courir son temps entre les différents fonds patrimoniaux de la région. Elle a trouvé chez d'excellents confrères de Marseille (et chez moi) son bonheur jusqu'à là, mais même avec de l'argent, l'introuvable reste introuvable ! Je lui ai alors proposé de commander l'ouvrage sur un site étranger où il était en vente.


Résultat : Délai de réception rapide ; sécurité de transaction ; ouvrage conforme ; petite marge bénéficiaire à la clef et client très satisfait. Ce qui ne l'empêchera pas, par ailleurs, de se procurer des éditions anciennes lorsqu'elles seront sur le marché !

Je crois qu'il existe une différence fondamentale entre le bibliophile et l'utilisateur, stricto sensu, du livre. La numérisation est là pour conserver et diffuser de l'information, l'achat d'un livre ancien par un bibliophile est un plaisir sensuel qui va au-delà du texte. A cet égard j'en profite pour redemander à Stéphane et François ; ils se reconnaîtront ;-)) de me ramener l'ouvrage que je leur ai prêté pour aider à la constitution d'un fond de livres régionaux anciens numérisés. Je voudrais le vendre avant qu'il soit disponible en numérisation…


Certains lecteurs voudront peut-être commenter ma démarche ? Si Stéphane ou François avaient le temps de donner leur point de vue, j'en serais enchanté.

Il y en a qui vont dire que je me tire une balle dans le pied. Un libraire bordelais renommé, Jean-Luc, envisageait cette éventualité, il y a déjà quelques temps, sans paraître choqué (pas que je me tire une balle dans le pied mais que cette pratique devienne commune !). Votre avis ?

Pierre

14 commentaires:

Tzypa-Dripa a dit…

La numérisation rendra service aux chercheurs pour structurer leur propre ouvrage ou leur thèse. L'achat d'un livre ancien par un bibliophile sera toujours un plaisir visuel et sensuel irremplaçable. Une discothèque de livres numérisés ne se compare pas avec une bibliothèque de livres rares et anciens.

Anonyme a dit…

Je crois, Pierre, que tu as tout dit.
Il y a d'une part l'amateur qui achète pour la satisfaction de se sentir bombardé par les atomes de présence et de vie dont chaque chose ancienne dispose par millions et d'autre part le chercheur qui souhaite uniquement disposer d'un texte documentaire. Parmi les bibliophiles on trouve une troisième catégorie qui recherche surtout l'émotion contemplative d'une belle reliure.
Le fac-similé ne peut évidemment satisfaire que la seconde catégorie.
J'ajoute que la plupart d'entre nous peuvent se retrouver dans les trois catégories suivant les circonstances.
René

Hugues a dit…

Je suis du même avis, la nuémrisation est un outil précieux pour la recherche. Exemple, j'ai actuellement grandement besoin du Béraldi sur la reliure, mais les exemplaires anciens (ou même réçents), sont en vente pour quelques centaines ou quelques milliers d'euros. Une version numérisée, à coût raisonnable me sauverait.
Après, je pense que l'on peut distinguer deux formes de numérisation: celle qui reste immatérielle (Gallica par exemple), et celle qui se concrétise finalement par la réimpression d'un livre.
Mais encore une fois, la recherche et la bibliophilie sont deux façons de "consommer" le livre différents à mon sens.

Amitiés,
Hugues

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

>La numérisation est là pour conserver et >diffuser de l'information, l'achat d'un livre >ancien par un bibliophile est un plaisir sensuel >qui va au-delà du texte.

Ce qui fait du livre ancien une relique, une pièce de musée, un objet de collection. Avec ce détail en plus, le livre ancien dit "de collection" est une relique utile, une pièce de musée utile, un objet de collection utile. On les lit ! Ou tout au moins, on peut les lire.

Prenons un exemple concret. Je suis libraire et j'utilise tous les jours des bibliographies. Je suis bibliophile aussi, et tous les jours je lis des livres "pour le plaisir de la lecture". Prenons donc l'exemple de deux outils bibliographiques utilisés largement par les libraires et les bibliophiles, le Manuel de Brunet et le Manuel de Vicaire. Je possède le manuel de Brunet dans un reprint italien des années 90 et je possède le Vicaire dans l'EO à tirage limité de la fin du XIXe siècle, de plus l'exemplaire est relié demi-maroquin à coins (reliure signée) et ce Vicaire était celui du libraire lillois Giard. Puis-je dire que je prends plus de plaisir à consulter mon Vicaire que mon Brunet ? Je dois avouer que, passé le plaisir du touché en ce qui concerne le Vicaire, la réponse est non. Vicaire comme Brunet sont des outils et comme tels je les consulte finalement assez "insensiblement".

Prenons maintenant l'exemple des Lettres de Mme de Sévigné (encore elle). Je peux les lires dans l'édition de 1726, dans une édition du XIXe siècle, dans une édition récente ou dans la Pleiade. Je peux même, pour boucler la boucle, les lire sur un site internet en mode texte brut (pas en reprint). Si je me pose maintenant la même question : Puis-je dire que je prends plus de plaisir à lire les Lettres de la marquise dans l'EO de 1726 ou à l'écran ou dans une édition moderne ? La réponse est évidemment oui.

Différence ?

Dans un cas c'est un outil qu'on consulte, dans l'autre c'est le plaisir de la lecture et le rapport au temps qui prime.

Maintenant, reste à définir ce que serait un "outil" pour chacun. Car par exemple, pour un universitaire qui préparerait une thèse sur les habitudes campagnardes de la Marquise entre 1650 et 1680, les Lettres sont un "outil". Alors ?

A chacun ses critères et c'est très bien ainsi.

Réimprimer un livre historique rare du XVIIe siècle n'en fait plus un livre de plaisir mais un outil.

B.

Hugues a dit…

Mais dis moi, Bertrand, aurais-tu le Béraldi par hasard? :)
H

Pierre a dit…

François, responsable du Centre de Conservation du livre Ancien d'Arles vient de passer à la boutique (cela va plus vite que de taper au clavier) et me précise que travaillant dans un organisme subventionné, les numérisations effectuées dans ses services étaient par nature gratuites et à disposition du public.

Il utilise, quant à lui, Gallica en mode PDF pour éditer si besoin est, les ouvrages dont il a besoin.

Il lui faut donc une bonne imprimante, des cartouches et du papier d'avance, être capable de les relier autrement que par des agrafes pour pouvoir utiliser un livre...

Le hasard a fait que mon acheteur d'hier m'a téléphoné, à ce moment là, pour me remercier de lui avoir trouvé le livre en question . Force est de constater qu'il y a une clientèle prête à payer pour ce service et que les compétences du libraire d'ouvrages anciens en font un interlocuteur privilégié. Pierre

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Non, désolé, point de Béraldi sur mes rayons.

Une lacune presque impardonnable.
Il faudra bien un jour que je me laisse tenter.

B.

Anonyme a dit…

Très intéressant article... Kessinger publie effectivement des "reprints" à un prix très abordable... Les bibliothèques municipales proposent des reproductions de leurs fonds : estampes, livres (extrait ou intégralité...)... Pour celle que je connais bien le prix est de 50c la page (ou reproduction)... Le coût est moindre si le document a déjà été numérisé et on vous l'envoie par courrier sur un CD...

Léo Mabmacien

Lauverjat a dit…

Les "reprints" et les numérisations sont certes des outils de recherche et des moyens de multiplication mais ils ne sont pas des moyens de conservation. Pour la conservation à très long terme la numérisation n'a pas fait ses preuves et reste tributaire de trop d'obligations techniques spécifiques et périssables, et le tirage par imprimantes modernes sur un papier mécanique et chimique non plus. En revanche, la conservation des textes sur vélin et sur papier chiffon est largement éprouvée. Il se trouve que je possède quelques "reprints" qui rejoints par leurs aînés originaux croupissent désormais sur leurs rayons; Bibliophiles plutôt que la copie, préférez l'original!

Lauverjat

Pierre Bouillon a dit…

Le Saint-Graal serait un outil qui permettrait de transmuter un texte numérisé en livre ancien.
J'y travaille mais tout n'est pas encore au point.

Pierre a dit…

Lauverjat a raison de dire que l'outil informatique ne peut pas prouver sa pérennité, ce qu'a prouvé le vélin et le papier chiffon sur des périodes de plusieurs siècles. On peut, en effet, imaginer un "bug" sur un disque dur mais peut-être pas sur tous les disques durs à la fois. Un virus ? le pire est envisageable, bien sûr et à cet égard le papier chiffon est irremplaçable.

Concédons à la numérisation une incroyable capacité de diffusion de l'information et une démocratisation du savoir de portée mondiale. Pierre

Pierre a dit…

La quête du Saint-Graal de Pierre sera couronnée de succès si une impression jet d'encre donne un résultat identique à celui de la presse puisque la question du papier vergé ancien se résout facilement en reproduisant le même support par les mêmes techniques.

Donc on pourrait, avec la numérisation, reproduire de l'ancien à l'identique ? Je frémis en pensant que l'idée va germer dans la tête de quelques faussaires... Pierre

EQUINOXE a dit…

BONJOUR
On nous avait dit lors du lancement d'internet que plus personne n'allait encore acheter des livres, dictionnaires, etc...puisqu'il serait possible de tout consulter sur notre écran...
(voir les articles de presse de l'époque..).
Je ne crois pas que les ventes de livres se soient effondrées....
Bibliophiles, collectionneurs, et autres... ne seront pas concernés par la numérisation...
Bien à vous tous
Charles

Pierre a dit…

D'accord avec vous Charles. Internet n'a pas fait disparaitre le livre. La numérisation ne le fera pas non plus.

Ce peut même être un outil de promotion de la bibliophilie. Pierre