jeudi 11 mars 2010

" Avis au peuple sur sa santé " par Samuel-Auguste Tissot. 1795


Certains disciples d'Hippocrate ont marqué l'histoire. Le Docteur Samuel-Auguste Tissot peut s'enorgueillir d'être de ceux là, lui qu'on appelait « le médecin des princes et le prince des médecins ».

Ce médecin suisse (1728 -1797) qui connut de son vivant une notoriété extraordinaire dut cette célébrité à ses nombreux écrits, notamment ceux consacrés à l'onanisme et à ses études sur l'épilepsie. Il est cher aux bibliophiles et aux bibliographes (il ne faut oublier personne) pour son traité sur " La santé des gens de lettres" qui sont, plus que tous autres, valétudinaires…


Prônant une « médecine douce »fondée sur un régime de vie en accord avec la nature, et sur des remèdes à base de plantes, il récuse à la fois la médecine populaire et la médecine savante, qu’il juge trop dure et interventionniste. Mêlant des théories qui nous semblent aujourd'hui archaïques (la masturbation rend sourd ; je schématise, bien sûr) et du bon sens, teinté de modernisme, il peut être considéré comme un visionnaire et un bienfaiteur de l'humanité.

Il condamne, entre autres, les médecins qui font des saignées et recommande une série d'ingrédients naturels et d'aliments comme la quinquina (l'apéritif de nos grand-mères), que Tissot va considérer comme étant le meilleur remède et va suggérer également le camphre et une série d'autres ingrédients dont le lait au beurre et le vin dilué dans l'eau avant de se coucher ! Il va prôner d'autres méthodes : Aller au lit uniquement pour dormir (?) , ne pas rester trop longtemps au lit quand on se réveille, et faire de l'exercice.


L'Avis au peuple sur sa santé lui fit acquérir une réputation européenne. Les honneurs s'accumulèrent rapidement car le succès de l'ouvrage devint européen. Il reçut une pension de la République de Genève, devient membre de la Société royale de Londres, et son ouvrage fut traduit en plusieurs langues et eut de nombreuses rééditions et améliorations.

Il écrivit à propos De la santé des gens de lettres (1775) " Je ne crains point de regarder comme une cause des maladies des savants, le renoncement à la société, que plusieurs s'imposent d'abord volontairement, et auquel ils se livrent ensuite par goût, mais qui a des inconvénients réels. Les hommes ont été créés pour les hommes ; leur commerce mutuel a des avantages auxquels on ne renonce point impunément, et l'on a remarqué, avec raison, que la solitude jette dans la langueur. Rien au monde ne contribue plus à la santé que la gaieté, que la société anime, et que la retraite tue, et cette cause morale d'ennui, jointe aux causes physiques de mélancolie dont j'ai parlé plus haut, jette souvent les gens de lettres dans une tristesse, dont les effets sur la santé lui sont aussi funestes que ceux de la gaieté lui seraient favorables ; elle produit cette misanthropie, cet esprit chagrin, ce mécontentement, ce dégoût de tout, qu'on peut regarder comme les plus grands des maux, puisqu'ils ôtent la jouissance de tous les biens ". La sagacité et la pertinence de ses propos vous semblent-ils encore de mise ? Pierre


TISSOT (S.A). Avis au peuple sur sa santé – sur la dixième édition originale. Tome 1 et Tome 2 reliés séparément. Rouen, chez la veuve Pierre Dumesnil, 1795 (An III). In-12, plein veau marbré, dos lisse orné, XXIV-350 pp + 380 pp., frottis au mors et aux coins, intérieur en très bon état. Contient : - De la diarrhée - De la dyssenterie - De la gale - Avis pour les femmes, pour les enfants - Secours pour les noyés - Des corps arrêtés entre la bouche et l'estomac - Maladies chirurgicales et externes - Des cas qui demandent de prompt secours - Des remèdes de précaution - De l'inoculation de la petite vérole et de la rougeole - des maladies de langueur - Questions il faut savoir répondre - Table des remèdes, des matières. Bel ensemble, si j'ose m'exprimer ainsi… Vendu

4 commentaires:

TARTARIN13 a dit…

Bien sûr, je n'ai pas lu ce livre, mais le commentaire de Pierre me conforte dans mes idées!
Donc j'ai décidé d'accomplir une "très bonne journée" d'occupation. Merci à toi...

Pierre a dit…

" On a remarqué, avec raison, que la solitude jette dans la langueur. Rien au monde ne contribue plus à la santé que la gaieté ". Je savais que ce principe pourrait être utile à un lecteur.

Je lui en soumets un autre de type alimentaire " Une pomme par jour éloigne le médecin... à condition de bien viser ! "

Bonne journée, cher Tartarin13, Pierre

jpp a dit…

Des médecins plus ou moins étroitement lis aux"beaux esprits", nous en avons encore maints exemples actuels! Ils sont hélas beaucoup plus connus pour leur occupation du "petit écran" que par la qualité de leur plume.
Manquerait-il désormais de Molière pour leur faire un peu perdre de leur superbe assurance?
bien hipocratiquement votre,cher ami Pierre

Pierre a dit…

Tout dépend ce qu'on appelle un bel esprit. Les médecins qui font le plus parler d'eux en ce moment soignent (ou ont soigné) les stars du show-bis, pas les gens de lettres qui grâce aux conseils de Tissot ne sont jamais malades...

On se moque beaucoup moins des médecins qu'avant, question de mode ! A leur décharge, ils tuent moins leurs clients qu'avant par ignorance ou par sottise.

Certains écrivent des best-seller (David Servan-Schreiber) mais toujours aux prix d'une provocation médiatique qui me fait fuir ce type de prose. J'ai gardé un très bon souvenir de lecture d'un livre de Axel Kahn " Raisonnable et humain" , je crois, titre de l'ouvrage et sa ligne de vie imposée par son philosophe de père.

Un médecin vivant qui manie mieux la plume que la seringue ? Jean-Christophe Rufin nous dit l'Académie. Pierre