jeudi 22 octobre 2015

Entretien de Pierre Bergé avec Charles Dantzig. Commentaire virtuel…


Pierre Bergé est un bibliophile lucide. Comme le capitaine d’un navire sur le point de sombrer avec son équipage – ses livres – il affronte fièrement la mort de sa bibliothèque avec un semblant de détachement dans une causerie radiophonique où il nous présente quelques-unes de ses plus belles acquisitions. Et si l’on ajoute que cette bibliothèque reflète son propriétaire, il sera aisé de qualifier la sienne : celle d’un lecteur.

Il vendra donc ses livres dans sa propre salle des ventes, Drouot, à l’occasion de trois journées qui promettent de belles enchères !  Lui-même ne connait pas exactement le nombre des livres qui la compose ; peut-être 1500 à 2000 livres mais pas plus. Il faut dire que Pierre Bergé - bibliophile - ne collectionne pas les ouvrages pour leur beauté mais pour leur texte. En conséquence, il n’y a fait entrer aucun auteur détesté, Camus et Malraux en tête…

Tel un Julien Sorel à la conquête de Paris, à ses débuts dans la capitale, il gagna sa vie en tant que courtier en livres anciens pour le compte de Richard Anacréon, un libraire spécialiste des éditions originales. C’est ainsi qu’il se prit de passion pour cette thématique et qu’il rassembla le long de sa vie les plus belles, les plus rares et les plus anciennes éditions originales qui soient. Au cours de la première partie de cet entretien, Pierre Bergé présente aux auditeurs ses éditions les plus anciennes. Les amateurs de livres anciens n’auront pas besoin de l’écran de leur ordinateur ou de leur télévision pour en apprécier tous les détails ; Pierre Berès, malvoyant à la fin de sa vie ne se contentait-il pas de se faire lire les notices des livres avant de lancer ses enchères ?


Le plus ancien des livres de sa bibliothèque est un incunable de 1471, Illisible pour lui car en latin. Ces Confessions de Saint Augustin, qui n’a pas été un saint toute sa vie nous dit-il, doit être à mon humble avis le seul ouvrage religieux que notre bibliophile possède, et à coup sûr le seul qu’il n’ait jamais lu !  Il peut cependant réciter par cœur un sonnet de Louise Labé appris dans l’édition originale de 1555 qu’il tient fermé dans ses mains. Il faut dire que ce sonnet n° 14 aborde l’échéance de la mort. On y devient sensible avec le temps…

Quel est celui qui a pour lui - et vraisemblablement pour les futurs enchérisseurs - le plus de valeur ? A n’en pas douter son édition originale de 1580 des Essais de Messire Michel de Montaigne dans son vélin d’époque, précise-t-il. Pour gagnant de l’Euromillion, cependant… Ou alors cet unica du Jardin d’amour de Charles Fontaine, imprimé à Lyon en 1572 ? Dommage qu’il ait été recouvert au 19eme siècle d’un maroquin vert de Trautz-Bauzonnet ! Ou bien même ce grand herbier in folio de Léonard Fuchs acquis outre-Atlantique avec ses dessins aquarellés de toute beauté ? Les beaux ouvrages des bibliophiles ne sont pas que des ouvrages de littérature, faut-il le rappeler…


Pour ce qui est des classiques, Pierre Bergé nous présente un "Cervantès" remarquable et deux éditions originales de Jean Racine, Esther et Athalie, imprimées avec leurs partitions de musique de Jean-Baptiste Moreau. On imagine les jeunes filles de Mlle de Maintenon accompagnant ces pièces de leurs voix mélodieuses... Moins classique, il sort de "L’Enfer" de sa bibliothèque un exemplaire de Félicia ou mes fredaines par le Chevalier de Nerciat, bien illustré, et un exemplaire ayant appartenu au marquis de Sade, livre qui l’aurait amené à Charenton. Les catalogues mentionneront aussi un exemplaire exceptionnel de Madame de Stael et un autre de Chamfort ayant appartenu tous deux à Stendhal et reliés au format "de sa poche"…

Dans la deuxième partie de cette causerie, Pierre Bergé nous présente justement, à travers des exemplaires de haute bibliophile, tous ces auteurs du 19eme siècle qui lui sont si chers. Un manuscrit de Stendhal annoté, Une Confession de Musset dédicacée à Franz Liszt, des manuscrits de Flaubert dont un (Madame Bovary) dédicacé à Victor Hugo et l'autre à Guy de Maupassant "qu’il aima comme un fils" (sic) ainsi que deux remarquables exemplaires d’Émile Zola, l’un envoyé à son épouse et l’autre à sa maitresse (resic), chacune étant remerciée pour son soutien…


Les bibliophiles attendront avec impatience les catalogues de ces ventes et les notices élaborées par des confrères renommés. Nul doute que les lecteurs de ce modeste blogue ne pourront s’offrir ces ouvrages agrémentés au contre-plat de l’ex-libris de Pierre Bergé ! Il leur viendra peut-être à l’idée de faire un petit texte décrivant leur propre bibliothèque, comme Pierre Bergé l’a fait dans cet entretien, afin que leurs héritiers en apprécient la composition ? Pour moi, ce sera plus facile ! Il leur suffira de lire les petits billets que j’ai écrits sur mes livres à la vente ces dernières années, à moins que vous ne me les achetiez tous… Pierre

11 commentaires:

Hugues a dit…

Copieur :)
Sacré Paul Bergé en plus :)

Anonyme a dit…

Aux Grands Hommes …

Monsieur Pierre Bergé se sépare discrètement de sa prestigieuse bibliothèque constituée aux fil de sa vie de bibliophile.
A cette occasion il permet à de grands écrivains comme Umberto Eco ou encore Charles Dantzig de s' entretenir avec lui.
De nombreux hommages vont lui être rendus par nos élites et hommes politiques.
Je suggère de lancer une souscription nationale pour ériger devant le Panthéon ou l' Institut une Statue Equestre à son effigie.
A défaut, une statue à vélib' - avec quelques incunables ou éditions originales dans le panier - pourrait aussi être envisageable.

frs

Hugues a dit…

frs, vous avez un pb avec Pierre Bergé, poyr aller spammer tous les blogs avec le même commentaire?
C'est personnel?
Hugues

Anonyme a dit…

Propos très librement inspirés par Albert Cossery : LA VIOLENCE ET LA DERISION. Paris, René Julliard, 1964 dont l' édition originale avec envoi est vraisemblablement présent dans le catalogue !
frs

Hugues a dit…

Il avait un pb avec Pierre Bergé, Albert? Ou c'est juste vous?
H

Pierre a dit…

C'est l'avant-propos de Charles Dantzig qui m'a donné l'idée de faire ce commentaire virtuel qui reprend l'entretien réel de France Culture. Je l'ai bien aimé de mon côté.

Et puis, je n'avais que ça à faire en attendant la naissance de mon petit-fils ;-)) C'est fait ! Pierre

Hugues a dit…

Félicitations Pierre!
Mais dites-moi, ce petit fils s'appelle-t-il Paul? Ce qui expliquerait tout! 😊

Pierre a dit…

Oup's ! Un peu perturbé par les prénoms, en fait ;-) Je corrige le titre : Pierre Berger

Mon petit-fils s'appelle Matias. J'aime bien. Aussi facile à crier en espagnol qu'en français... Pierre

Pierre a dit…

Oup's ! Je corrige. Il ne s'appelle pas Matias mais Matias Pierre car on donne les deux prénoms au Mexique !

Hugues a dit…

Cette jolie arrivée vous perturbe cher ami 😊

Elisa C a dit…

Thanks for thhis blog post