On verra, dans l'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente, [c'est l'auteur qui le mentionne] que l'étude de la géologie n'est faite ni pour des paresseux ni pour des hommes sensuels, car la vie du géologue est partagée entre des voyages fatigans et périlleux, où l'on est privé de presque toutes les commodités de la vie, et des études variées et approfondies dans le cabinet.
Mais ce qui est plus rare encore, et peut-être plus nécessaire que le
zèle qu'il faut pour surmonter ces obstacles, c'est un esprit exempt de
préventions, passionné de la vérité seule, plutôt que du désir d'élever ou de
renverser des systèmes, capable de descendre dans les détails indispensables
pour l'exactitude et la certitude des observations, et de s'élever aux grandes
vues et aux conceptions générales. Cependant il ne faut point que ces
difficultés découragent ; il n'est aucun voyageur qui ne puisse faire quelque
bonne observation et rapporter au moins une pierre digne d'entrer dans la
construction de ce grand édifice.
En effet, on peut être utile sans atteindre à la
perfection ; car je ne doute pas que, si l'on compare les voyages
minéralogiques, même les plus estimés, et à plus forte raison ceux de l'auteur
de cet ouvrage, l'on n'y trouve bien des vides, bien des observations
imparfaites et même totalement oubliées ; mais j'en ai dit la raison dans
l'introduction : d'ailleurs plusieurs de ces idées ne me sont venues que depuis
que j'ai fait ces voyages, c'est pour cela que j'ai travaillé avec intérêt,
dans l'espérance de mettre des jeunes gens, dès l'entrée de leur carrière, au
point où je ne suis arrivé qu'après trente-six ans d'étude et de voyages…
Le Voyage dans les Alpes d’Horace-Bénédict
de Saussure, paru en 4 volumes en 1779 à Neuchâtel et Genève, fut sans conteste
le grand best-seller sur les Alpes pendant une cinquantaine d’années : en
1834, on en publie encore une édition, expurgée d’une bonne partie des
remarques scientifiques désormais obsolètes. Je vous propose ici l'édition in-8
de 1980 de Neuchatel dans sa reliure d'époque.
Horace Bénédict de Saussure (1740-1799)
fut professeur à l’Académie de Genève, fasciné par la montagne et le Mont-Blanc
dès son plus jeune âge, il réalisa la
deuxième ascension de ce mont en 1787. Son œuvre est une sorte de somme
scientifique, philosophique et ethnologique, tout autant qu’un récit
d’aventures ; s’y mêlent expérimentation, observations diverses sur les
plantes et les animaux, relevés de température, observations géologiques,
remarques personnelles sur ses émotions, considérations esthétiques.
Ses 30 ans de pérégrinations dans la région du Mont-Blanc
ont permis à Saussure de mieux comprendre le massif, les rapports entre les
différentes chaînes de montagnes, leurs structures. La recherche permanente de
la hauteur, qui soustend toutes ses excursions, c’est aussi la recherche d’un
point absolu qui permettrait l’appréhension et donc la compréhension totale du
massif et par-delà de la montagne en général.
Quant aux soins qu'exige la personne même du voyageur, il
suffit d'un habit léger, de drap, sans doublure, blanc, de même que le chapeau,
pour qu'il soit moins réchauffé par les rayons du soleil, avec des gilets, les
uns frais pour les régions et les vallées chaudes, les autres chauds, pour les
régions et les sommités froides; une bonne redingote; des lunettes vertes, et
un crêpe noir pour les neiges et garantir les yeux et le visage de leur
impression ; enfin, si l'on doit passer la nuit en plein air, une tente ou
canonnière, une peau d'ours sur laquelle on se couche, et des couvertures de
laine… Il faut aussi un bâton solide et léger: le mien, pour les Hautes-Alpes,
est un planton bien sec de sapin, long de 7 pieds et de 18 lignes de diamètre
par le bas, avec une forte pointe de fer assujettie par une virole…
On constatera à la
lecture de cet ouvrage que Saussure est d'une honnêteté scientifique incroyable.
Il avoue franchement ses doutes, il comprend ses limites, il est modeste,
scrupuleux vis-à-vis des opinions des autres, il est généreux dans ses rares
critiques, et il est certainement convaincu de ne pas avoir le monopole
exclusif de la vérité… Un exemple à suivre ! Pierre
SAUSSURE (Horace-Bénédict de). Voyages dans les Alpes
précédés d'un Essai sur l'Histoire naturelle des environs de Genève. En 4
volumes in-8 (20,5/13cm). Reliure plein
veau marbré, dos à nerfs, caissons fleuronnés, tranches marbrées, gardes
colorées. Tome 1 : A Neuchatel, chez Samuel Fauche, 1780. [2ff titre], xxiv,
367pp. 1 carte dépliante et deux planches dépliantes. Tome 2 : A Genève chez
Barde, Manget et à Paris chez Buisson. 1786. 393pp. 5 planches dépliantes de
planche III à planche 8. Tome 3 : A Genève chez Barde, Manget et à Paris chez
Buisson. 1786. [2ff titre], iv, 411pp. 1 carte du mont Blanc dépliante, 2
planches dépliantes I et II + tableaux dépliants ou HT. Tome 4 : A Genève chez
Barde, Manget et à Paris chez Buisson. 1786. [2ff titre], 484pp. 4 planches
dépliantes III à VI + tableaux dépliants ou HT. Grande fraicheur intérieur et
extérieure. Menus défauts de reliure. Vendu
4 commentaires:
Le type d'ouvrage que l'on a autant de plaisir à acheter qu'à vendre... Pierre
En alpinisme il est très important de trouver Saussure à son pied.
Daniel B.
je vous remercie, Daniel, d'avoir osé le faire ! ;-)) J'y ai pensé vingt fois en écrivant ce billet et vingt fois je me suis dit qu'un pareil article, vraisemblablement repris dans la presse professionnelle à l'avenir, perdrait alors de sa crédibilité...
Amicalement. Pierre
Mais non, Pierre, il faut se lâcher ici aussi....
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