mercredi 23 octobre 2013

Le mérite des femmes par Legouvé. Un peu restrictif ce singulier, non ?


Il est extrêmement rare d'être élu Académicien de père en fils. Gabriel Legouvé (1764-1812) et Ernest Legouvé (1807–1903) sont les exceptions qui confirment la règle. Je crois même que l'on n'a jamais vu de " Membre de l'institut & fils " sur une carte de visite. Et l'élection de prélats n'arrange pas les statistiques…


Gabriel Legouvé dont le nom, de nos jours, n'est connu que des spécialistes, fut tout d'abord un dramaturge très apprécié sous la Révolution et sous l'Empire. Mais il taquinait aussi la muse si l'on en croit le poème que je propose aujourd'hui à la vente…


C'était un habitué du salon de Joséphine sous le Consulat. Effacé et timide, enclin à la mélancolie, il fallait insister pour qu'il consente à lire un de ses poèmes à haute voix. Il est vrai que jusqu'en 1800, ses contemporains jugeaient assez sévèrement son oeuvre poétique. On pouvait lire dans les journaux de l'époque : " Tout dans l'ampleur, rien dans la profondeur ", ou encore " Legouvé n'a point d'âme, il n'a que de grands mots ".


La parution de son long poème Le Mérite des femmes fit taire ces critiques car ce fût un beau succès de librairie. Il n'y eut pas moins de trente rééditions de cette œuvre tout au long du siècle qui lui assurent aujourd'hui sa survie sur les rayonnages des bibliophiles. Certaines sont particulièrement bien reliées…


Dans son avant-propos, il explique après une belle dédicace à son épouse, que c'est pour s'opposer aux jugements néfastes de Horace et Boileau qu'il s'est posé en avocat de la condition féminine " en raisonnant d’après des généralités, tandis qu’ils n’ont raisonné que d’après des exceptions ".   C'est ainsi qu'il nous offre quelques clichés qui ne sont guère moins caricaturaux que ceux de ses prédécesseurs. A mon avis, ce gars avait quelque chose à se faire pardonner  ;-)) Pierre

Avec notre existence.......
De la femme pour nous le dévouement commence.
C'est elle qui, neuf mois, dans ses flancs douloureux
Porte un fruit de l'hymen trop souvent malheureux
Et, sur un lit cruel longtemps évanouie,
Mourante, le dépose aux portes de la vie.
C'est elle qui, vouée à cet être nouveau
Lui prodigue des soins  qu'attend l'homme au berceau.
Quels tendres soins ! Dort-il ? Attentive, elle chasse
L'insecte dont le vol où le bruit le menace.
Elle semble défendre au réveil d'approcher.
La nuit même d'un fils ne peut la détacher.
Son oreille de l'ombre écoute le silence
Ou, si Morphée endort sa tendre vigilance
Au moindre bruit rouvrant ses yeux appesantis
Elle vole, inquiète, au berceau de son fils,
Dans le sommeil longtemps le contemple, immobile,
Et rentre dans sa couche, à peine encor tranquille.
S'éveille-t-il ? Son sein, à l'instant présenté,
Dans les flots d'un lait pur lui verse la santé.
Qu'importe la fatigue à sa tendresse extrême ?
Elle vit dans son fils, et non plus dans soi-même
Et se montre, aux regards d'un époux éperdu
Belle de son enfant à son sein suspendu.



LEGOUVE (Gabriel). Le mérite des femmes, nouvelle édition augmentée de poésies inédites. Paris, Louis Janet, 1828. Un volume In-18 (14cm / 8,5cm). Reliure pleine basane fauve marbrée, dos lisse orné de motifs, filets et lettres dorées, double encadrement des plats par un filet et une roulette dorés, roulette sur les coupes, toutes tranches dorées, gardes colorées. xij-284 pp, 5 planches gravées d’après Deveria par Bonvoisin, Lecomte et Pauquet fils. Précédé d'un extrait du Discours de Regnaud de Saint-Jean d'Angely a l'Institut, le 15 avril 1813.Menus défauts de reliure, des rousseurs sur les gravures mais pas sur le texte, une petite restauration discrète sur un mors. Bonne condition générale. 35 € + port

7 commentaires:

calamar a dit…

le best-seller de l'époque !
ceci dit, je ne crois pas qu'il soit si difficile que çà de trouver des dynasties d'académiciens.

calamar a dit…

on peut citer par exemple le maréchal de Villars, qui eu pour successeur au fauteuil 18 son fils...

Pierre a dit…

Le fils de Philippe Gandillet a donc toutes ses chances, Calamar ;-))

Avez-vous remarqué que les serpentes étaient chargées de rousseurs ? C'est dommage car le texte sur vergé n'en présente pas. Je les enlèverais bien... Pierre

Textor a dit…

C'est dommage que vous n'ayez que le tome I. L'édition complète est en vingt volumes...

Pierre a dit…

Je crois que le littérature est plus riche en panégyrique de la femme qu'en compliments pour l'homme. C'est ainsi !

Je serai curieux de savoir si ce succès d'édition est dû aux lecteurs masculins ou féminins... Pierre

Anonyme a dit…

Je vous recommande de vous mettre sur la piste d'une belle édition de "Sur l'admission des femmes au droit de cité" de Condorcet

Sylvie

Pierre a dit…

Je fais confiance à mes lecteurs et complèterai celui-ci par " Réflexions sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire "... Merci Sylvie. Pierre