jeudi 24 octobre 2013

Histoire d'un livre : Paul Desalmand et Le pilon…


" Quoiqu’il puisse m’arriver, j’estime ma vie réussie parce que j’ai été lu. "
C'était il y a quelques années, je venais de lire Le pilon de Paul Desalmand et, hier, je l'ai retrouvé dans une caisse en cherchant un autre ouvrage… On parle beaucoup des auteurs, des éditeurs, des illustrateurs auxquels on attache de l'importance sur nos blogs bibliophiles mais on connait rarement l'histoire personnelle du livre que l'on a entre les mains. Il y a bien heureusement les ex-libris, les ex-dono, les ex-praemio et les catalogues de vente pour nous aider à retracer son existence mais j'avais, à l'époque, été intrigué par ce livre qui parlait de lui à la première personne.


Et si les livres étaient vivants ? Tel est le postulat surréaliste de ce roman qui raconte, avec beaucoup d'imagination, la vie d’un livre. Le récit s’attelle à décrire les pérégrinations dont le livre est l’objet, dévoilant de plus ou moins belles rencontres et dénonçant souvent les injustices de notre monde. Au-delà de la fable, l’auteur nous rappelle que le livre est un objet presque sacré qu’il convient de protéger et de respecter. On touche donc la clientèle des bibliophiles ! Pourtant, la réalité nous apprend, qu'aujourd'hui, deux livres sur trois finissent au pilon


Pêle-mêle, on y trouve quelques exemplaires du rapport Attali, les biographies de Tom Cruise et Michel Drucker, des livres de poche de John Grisham, quelques-uns des ouvrages sur Sarkozy, Carla Bruni ou Rachida Dati, un Kama-sutra qui s'empile sur des ouvrages autour de l'Opus Dei, des livres de Danielle Steel avec des BD des Schtroumpfs, " Un vrai roman " de Philippe Sollers côtoie " La Bible racontée aux enfants " d'Alain Decaux qui s'accommode, par ailleurs, fort bien de la promiscuité du " Parce que je t'aime " de Guillaume Musso. Tout autour, des fragments de pages volettent dans des courants d'air qui charrient l'odeur sèche et un peu âcre du papier… On pense alors à la censure dont fut frappé Baudelaire pour ses Fleurs du mal , aux autodafés de l'Inquisition et, de façon plus générale, à tous les régimes autoritaires qui ont brûlé des livres et on se dit que nombre d'éditions originales vont encore disparaître !


Une étude conduite en 1991 indiquait que les livres les plus fréquemment pilonnés sont majoritairement des ouvrages de littérature générale (romans, documents d’actualité…). Les livres scolaires étaient, par contre, détruits uniquement lors des changements de programmes mais comme ces derniers changent à chaque élection, maintenant, le résultat est le même ! Les ouvrages de référence (dictionnaires, encyclopédies, etc…) seraient moins pilonnés mais leur potentiel de vente s'est depuis amenuisé, voire a complètement disparu, avec Internet. 


Le pilon est, en fait, un processus qui limite le coût du stockage pour les éditeurs et permet de transformer des livres invendus en journaux. Il est à noter que certains éditeurs prélèvent une partie des ouvrages destinés au pilon pour effectuer des opérations de dons dans les réseaux associatifs. C'est ainsi que la méthode de régime amaigrissant Sulitzer fut un best-gifter en Afrique centrale (sic). On se dit cependant que les éditeurs auraient tout à gagner à offrir ces livres à des bouquinistes et à des libraires d'ouvrages anciens qui pourraient alors rétrocéder le fruit de leur vente à compter de la (soyons généreux) 50eme année de stockage… Pierre


DESALMAND (Paul). Le Pilon. Meudon, Quidam éditeur, 2006. Un volume in-8. Cartonnage illustré et feuillets collés. 145 pp. Ex-libris manuscrit de Philippe Gandillet au crayon à mine de plomb en page de garde. Vendu

1 commentaire:

Pierre a dit…

Ouvrage vendu rapidement. Le portrait d'un libraire affairiste fait un peu " cliché " mais il faut savoir être beau joueur...

Il semble que la provenance ait fait pour beaucoup dans la transaction ;-)) Un ami de Philippe Gandillet, sans doute ! Pierre