Daudet et Roumieux en conversation |
L'un des convives est plus attentionné que les autres :
c'est Frédéric Mistral. Connaissant, en effet, plusieurs personnes capables de
céder leur place au ciel contre une "abrivado" (jeux de course avec
un taureau encadré par des chevaux), il va, avec son talent habituel,
transposer en 1864 cette histoire à Tarascon et créer le personnage de Jarjaille
pour " l'Armana provençau " (revue en provençal).
Jarjaille, portefaix, mène joyeuse vie. Mauvais chrétien, il
n'a qu'une passion : les bious (les bêtes à corne). " Tarascaïre "
(homme en habit qui pousse la Tarasque sur roulette) , c'est lui qui promène le
dragon dans les rue de la ville lors des jeux et des processions. Décédé, il
réussit par ruse à entrer au Paradis mais se perd par amour des taureaux…
Le personnage séduit les écrivains locaux, tels Roumanille,
puis Alphonse Daudet qui feront souvent allusion à ce tarasconnais dans leur
écrits ( Daudet en parlera dans La belle nivernaise ). Il connaîtra vraiment
son épanouissement grâce à Louis Roumieux dont je présente l'ouvrage ici. Le
félibre gardois composera quelques mois plus tard, une trilogie poétique
promenant le Tarascaïre au paradis, au purgatoire et en enfer. Il réunira ces
trois volumes, suivies d'une conclusion (Jarjaille sur terre) en un seul volume
paru en en 1879 avec la traduction française en deuxième partie : La Jarjaïdo.
C'est cette rare édition que je propose, aujourd'hui, à la vente…
Hélas, Tartarin dont les aventures sont parues dans la
presse parisienne quelques temps auparavant va voler la vedette à Jarjaille et
incarner à lui seul le tarasconnais hâbleur que vous connaissez tous. Pourtant,
regardez bien autour de vous si vous allez à Tarascon, des " Tartarins
", vous n'en verrez pas beaucoup mais des " Jarjaille " prêts à
se damner pour leur passion, il y en a !
Alors que j'écris ces lignes, je devine que vous vous dites
qu'un vétérinaire qui abandonne son métier pour se livrer à sa passion
hasardeuse pour les livres anciens doit
réunir tous les critères pour faire partie de la communauté
Jarjaillesque et a peu de chances d'aller au Paradis…
Je ne sais que répondre… Peut-être utiliserais-je le
subterfuge que Jarjaille se servit avec Saint Pierre pour y entrer alors que ce
dernier lui reprochait sa conduite passée ? " Je ne dis pas le contraire. Je
suis un pécheur, un misérable pécheur. Mais qui se serait douté, qu'après la
mort, il y aurait encore tant de mystères ? Enfin, je me suis trompé, et
voilà le vin tiré ; maintenant il faut le boire. Mais au moins, grand
Saint Pierre, laissez-moi voir un peu, au Paradis, ma brave tante qui était si
dévote pour lui conter ce qui se passe à Tarascon... " et il se faufila
par la porte entrebâillée ! Malin, non ? Pierre
ROUMIEUX (Louis). La jarjaiado, pouèmo eroui-coumique.
Paris, Maisonneuve & Cie et Mount-Pelié, Marsal éditeur, 1879. Un volume
grand In-8°. Reliure demi-basane havane, dos à nerfs orné de motifs et lettres
dorées, mention de P. Ode en queue, couverture conservée, 184 pp. Texte en
provençal et traduction française. Nombreuses illustrations d'Edouard Marsal.
Portrait de l'auteur en frontispice. Bel exemplaire. Vendu
2 commentaires:
pauvre de moi ! je n'ai pas de tante dévote...
Il faut connaître au moins une personne dont on est sûr qu'elle soit au Paradis. On peut essayer avec l'ancien curé de sa paroisse ;-))
Pierre
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