mardi 8 octobre 2013

Louis Roumieux : Jarjaille, le véritable héros tarasconnais, victime de Tartarin…

Daudet et Roumieux en conversation
Un après-midi d'août 1863, les félibres provençaux et languedociens festoyant chez le poète nîmois Jean Reboul, écoutent celui-ci raconter l'histoire d'un vauverdois (la commune de Vauvert se trouve aux portes de la Camargue), amateur de taureaux, entré en fraude au Paradis.


L'un des convives est plus attentionné que les autres : c'est Frédéric Mistral. Connaissant, en effet, plusieurs personnes capables de céder leur place au ciel contre une "abrivado" (jeux de course avec un taureau encadré par des chevaux), il va, avec son talent habituel, transposer en 1864 cette histoire à Tarascon et créer le personnage de Jarjaille pour " l'Armana provençau " (revue en provençal).


Jarjaille, portefaix, mène joyeuse vie. Mauvais chrétien, il n'a qu'une passion : les bious (les bêtes à corne). " Tarascaïre " (homme en habit qui pousse la Tarasque sur roulette) , c'est lui qui promène le dragon dans les rue de la ville lors des jeux et des processions. Décédé, il réussit par ruse à entrer au Paradis mais se perd par amour des taureaux…


Le personnage séduit les écrivains locaux, tels Roumanille, puis Alphonse Daudet qui feront souvent allusion à ce tarasconnais dans leur écrits ( Daudet en parlera dans La belle nivernaise ). Il connaîtra vraiment son épanouissement grâce à Louis Roumieux dont je présente l'ouvrage ici. Le félibre gardois composera quelques mois plus tard, une trilogie poétique promenant le Tarascaïre au paradis, au purgatoire et en enfer. Il réunira ces trois volumes, suivies d'une conclusion (Jarjaille sur terre) en un seul volume paru en en 1879 avec la traduction française en deuxième partie : La Jarjaïdo. C'est cette rare édition que je propose, aujourd'hui, à la vente…


Hélas, Tartarin dont les aventures sont parues dans la presse parisienne quelques temps auparavant va voler la vedette à Jarjaille et incarner à lui seul le tarasconnais hâbleur que vous connaissez tous. Pourtant, regardez bien autour de vous si vous allez à Tarascon, des " Tartarins ", vous n'en verrez pas beaucoup mais des " Jarjaille " prêts à se damner pour leur passion, il y en a !


Alors que j'écris ces lignes, je devine que vous vous dites qu'un vétérinaire qui abandonne son métier pour se livrer à sa passion hasardeuse pour les livres anciens doit  réunir tous les critères pour faire partie de la communauté Jarjaillesque et a peu de chances d'aller au Paradis…


Je ne sais que répondre… Peut-être utiliserais-je le subterfuge que Jarjaille se servit avec Saint Pierre pour y entrer alors que ce dernier lui reprochait sa conduite passée ? " Je ne dis pas le contraire. Je suis un pécheur, un misérable pécheur. Mais qui se serait douté, qu'après la mort, il y aurait encore tant de mystères ? Enfin, je me suis trompé, et voilà le vin tiré ; maintenant il faut le boire. Mais au moins, grand Saint Pierre, laissez-moi voir un peu, au Paradis, ma brave tante qui était si dévote pour lui conter ce qui se passe à Tarascon... " et il se faufila par la porte entrebâillée ! Malin, non ? Pierre


ROUMIEUX (Louis). La jarjaiado, pouèmo eroui-coumique. Paris, Maisonneuve & Cie et Mount-Pelié, Marsal éditeur, 1879. Un volume grand In-8°. Reliure demi-basane havane, dos à nerfs orné de motifs et lettres dorées, mention de P. Ode en queue, couverture conservée, 184 pp. Texte en provençal et traduction française. Nombreuses illustrations d'Edouard Marsal. Portrait de l'auteur en frontispice. Bel exemplaire. Vendu

2 commentaires:

calamar a dit…

pauvre de moi ! je n'ai pas de tante dévote...

Pierre a dit…

Il faut connaître au moins une personne dont on est sûr qu'elle soit au Paradis. On peut essayer avec l'ancien curé de sa paroisse ;-))

Pierre