mercredi 7 novembre 2012

La médecine dans ses rapports avec la religion par le Docteur Vitteaut en 1857...

Médecine et religions ont longtemps cheminé de façon étroite. Ainsi, en régime chrétien, Ambroise Paré pouvait dire d’un malade : « Je le pansais, Dieu le guérit » . En France, l’émergence de la médecine moderne, n’est pas essentiellement différentes des autres pays occidentaux. En revanche, le rapport entre médecine et religion s’avère original.


Pourquoi cette différence importante entre la France et les autres pays? Parce que, de manière générale, le pouvoir politique à longtemps été légitimé par la religion. Événement fondateur de la France moderne, la Révolution française est entrée en conflit avec la religion ! Désormais, la science et en particulier la science médicale devenait un pilier de la légitimité laïque… N'oublions pas qu'en France, sous l’Ancien Régime, le médecin est sous la coupe de l’Eglise : le médecin doit veiller par exemple à ce que le malade appelle le curé quand l’heure de la mort approche afin de recevoir  l’onction des malades. S’il omet de la faire et que le malade meurt sans cette extrême-onction, le médecin est passible d’une amende de 500 livres ! S’il récidive, on lui retire même son diplôme de médecin.


Le XIXeme siècle ne sera pas en reste avec ce conflit en instituant  un délit d’« exercice illégal de la médecine » souvent pratiqué par des  membres du clergé ou des religieuses (nos fameuses « bonnes soeurs »). Par ailleurs, tout au long de ce siècle, le corps médical, même lorsque ses membres sont catholiques, va peu à peu jouer un rôle très actif dans le changement de la perception de la maladie et de la mort, témoignant ainsi d’un mouvement de laïcisation de la médecine. Et, au début du XXe siècle, la mort sera davantage considérée comme la fin de la vie et de moins en moins comme le passage à « l’au-delà ». ..


L’Eglise catholique réagira cependant dans le domaine du soin où elle perd en légitimité. Elle cherche des soutiens, parfois même ceux-là mêmes qui ont contribué à la révolution de la médecine : on en veut pour preuve, à la fin de 1868, à la fin du Second Empire, l’immense cérémonie organisée à Quimper pour l’inauguration de la statue de Laennec, certes médecin chantre de la méthode anatomo-clinique mais tout aussi réputé pour sa ténacité religieuse. De l’autre côté, De Paul Bert à Emile Combes, certains médecins seront parmi les fers de lance de la politique anticléricale.  

A la fin du XIXe siècle, les faits ne permettent pas de trancher entre une Église catholique qui serait obscurantiste et un corps médical résolument moderne. Des arrangements se nouent entre les avancées scientifiques et l’Eglise catholique, d’autant que les médecins sont bien souvent catholiques, par éducation, par convenances, par nécessité professionnelle !


Ces changements ne se sont donc pas faits  de façon uniforme et sans conflits. C’est ce que nous pouvons constater dans l’ouvrage que je propose à la vente, aujourd’hui. Le Docteur Vitteaut tente ici de faire le grand écart entre la foi et la science, entre les soins de l’âme et ceux du corps. Dure époque, tout de même, où il était difficile de concilier les deux belligérants. Aujourd’hui, ce n’est plus que  face à la mort que la laïcisation de la médecine trouve ses limites...


L’auteur se pose ici en contradicteur du  matérialisme de l’époque qui affirme que la substance du monde est de nature matérielle. Il réfute ainsi l'idée d’un  matérialisme qui rejetterait l'existence de l'âme et qui prônerait donc l’athéisme.  C’était il y a 150 ans… Qu'est-ce qui a changé depuis ? Pierre

VITTEAUT (Dr). La médecine dans ses rapports avec la religion ou réfutation du matérialisme théorique et pratique. Paris, chez Baillieres & fils et chez Prosper Diard, 1857. Un volume in-8.  Reliure demi-chagrin bleu nuit, dos à nerfs, caissons ornés de motifs dorés, titre en lettres dorées, gardes colorées. [3ff] – 459pp – 2 planches dépliantes – un errata manuscrit. L’ouvrage a été vraisemblablement corrigé par l’auteur. Bon état, rares rousseurs. 135 € + port

6 commentaires:

Anonyme a dit…

L'époque de transition fut bien rude ; elle le reste encore.
L'agonie d'Oscar Thibault racontée par Roger Martin du Gard est un moment fort. Son fils, Antoine, médecin catholique, est travaillé par quelques scrupules que son père, fervent en religion, ne possédait pas. Il se sent obligé de prolonger au maximum la vie de son père bien que celui-ci soit perdu et souffre le martyre, allant même jusqu'à lui supprimer la morphine qui le soulage un peu mais qui le tuerait un tout petit peu plus rapidement en lui bloquant ses reins malades. Il finit quand même à la toute dernière extrémité, peut-être quelques minutes avant sa mort naturelle, à lui en administrer, soucieux de bien cacher son acte de la soeur infirmière.
Il y a dans ce cas le maximum de souffrances, car la vie se prolonge des quelques jours que permet l'arsenal thérapeutique dont il faut absolument utiliser toutes les vertus sauf une, celle de soulager définitevement, car la guérison ne doit pas être du pouvoir de l'homme.

Jean-Michel

sebV a dit…

Et encore aujourd'hui les liens ne sont pas complètement coupés : suicide assisté, bioéthique...

Pierre a dit…

C'est vrai que la médecine se sent obligée, parfois, de prouver qu'elle est plus forte que la mort. On ne lui en demande pas tant ! Simplement qu'elle puisse lutter contre la maladie.

Je ne me posais pas ce genre de questions, auparavant. C'est un des avantages (et des inconvénients) de l'âge que de nous mettre en face de nos contradictions ;-)) Pierre

Pierre a dit…

Dans le suicide assisté, c'est moins la religion que la morale qui est en cause. C'est d'ailleurs le sens du mot " éthique " : science morale.

Désolé de vous plomber le moral, aujourd'hui, en évoquant ce sujet sur le blog L.A.A.T, habituellement léger. Le temps s'y prête ;-)) Pierre

sebV a dit…

morale chrétienne en l'occurence ;)
Parce que d'un autre point de vue on peut trouver plus moral d'aider quelqu'un à mourir que de le laisser dans la souffrance.

Anonyme a dit…

Le plus effrayant dans l'exemple choisi c'est la logique poussée dans ses derniers retranchements ; Il ne s'agit ni de suicide assisté ni d'euthanasie (qui étaient pour le médecin concerné des péchés mortels, inenvisageables), mais simplement on supprime ce qui jusqu'alors soulageait. Le scrupule principal du protagonaiste vient d'avoir à l'esprit que si Dieu a décidé de faire souffrir c'est qu'il a ses raisons et que soulager est déjà agir contre Sa volonté.
Mais il est vrai que ça l'aidera plus tard à supporter l'épreuve de mourir en crachant ses poumons dans un sanatorium du Sud de la France (il n'est pas dit où dans le livre mais il y a de grandes chances que ce soit à Saint-Jean Cap Ferrat).

Jean-Michel