Pourquoi cette différence importante entre la France et
les autres pays? Parce que, de manière générale, le pouvoir politique à longtemps
été légitimé par la religion. Événement fondateur de la France moderne, la
Révolution française est entrée en conflit avec la religion ! Désormais,
la science et en particulier la science médicale devenait un pilier de la
légitimité laïque… N'oublions pas qu'en France, sous l’Ancien Régime, le médecin est sous la
coupe de l’Eglise : le médecin doit veiller par exemple à ce que le malade
appelle le curé quand l’heure de la mort approche afin de recevoir l’onction des malades. S’il omet de la faire
et que le malade meurt sans cette extrême-onction, le médecin est passible
d’une amende de 500 livres ! S’il récidive, on lui retire même son diplôme
de médecin.
Le XIXeme siècle ne sera pas en reste avec ce conflit en
instituant un délit d’« exercice illégal
de la médecine » souvent pratiqué par des
membres du clergé ou des religieuses (nos fameuses « bonnes soeurs »). Par
ailleurs, tout au long de ce siècle, le corps médical, même lorsque ses membres
sont catholiques, va peu à peu jouer un rôle très actif dans le changement de
la perception de la maladie et de la mort, témoignant
ainsi d’un mouvement de laïcisation de la médecine. Et, au début du XXe siècle,
la mort sera davantage considérée comme la fin de la vie et de moins en moins
comme le passage à « l’au-delà ». ..
L’Eglise catholique réagira cependant dans le
domaine du soin où elle perd en légitimité. Elle cherche des soutiens, parfois
même ceux-là mêmes qui ont contribué à la révolution de la médecine : on en
veut pour preuve, à la fin de 1868, à la fin du Second Empire, l’immense
cérémonie organisée à Quimper pour l’inauguration de la statue de Laennec,
certes médecin chantre de la méthode anatomo-clinique mais tout aussi réputé
pour sa ténacité religieuse. De l’autre côté, De Paul Bert à Emile Combes, certains
médecins seront parmi les fers de lance de la politique anticléricale.
A la fin du XIXe siècle, les faits ne
permettent pas de trancher entre une Église catholique qui serait obscurantiste
et un corps médical résolument moderne. Des arrangements se nouent entre les
avancées scientifiques et l’Eglise catholique, d’autant que les médecins sont
bien souvent catholiques, par éducation, par convenances, par nécessité
professionnelle !
Ces changements ne se sont donc pas faits de façon uniforme et sans conflits. C’est ce
que nous pouvons constater dans l’ouvrage que je propose à la vente,
aujourd’hui. Le Docteur Vitteaut tente ici de faire le grand écart entre la foi
et la science, entre les soins de l’âme et ceux du corps. Dure époque, tout de même,
où il était difficile de concilier les deux belligérants. Aujourd’hui, ce n’est
plus que face à la mort que la
laïcisation de la médecine trouve ses limites...
L’auteur se pose ici en contradicteur du matérialisme de l’époque qui affirme que la
substance du monde est de nature matérielle. Il réfute ainsi l'idée d’un matérialisme qui rejetterait l'existence de
l'âme et qui prônerait donc l’athéisme. C’était il y a 150 ans… Qu'est-ce qui a changé depuis ? Pierre
VITTEAUT (Dr). La médecine dans ses rapports avec la
religion ou réfutation du matérialisme théorique et pratique. Paris, chez Baillieres
& fils et chez Prosper Diard, 1857. Un volume in-8. Reliure demi-chagrin bleu nuit, dos à nerfs,
caissons ornés de motifs dorés, titre en lettres dorées, gardes colorées. [3ff]
– 459pp – 2 planches dépliantes – un errata manuscrit. L’ouvrage a été
vraisemblablement corrigé par l’auteur. Bon état, rares rousseurs. 135 € + port
6 commentaires:
L'époque de transition fut bien rude ; elle le reste encore.
L'agonie d'Oscar Thibault racontée par Roger Martin du Gard est un moment fort. Son fils, Antoine, médecin catholique, est travaillé par quelques scrupules que son père, fervent en religion, ne possédait pas. Il se sent obligé de prolonger au maximum la vie de son père bien que celui-ci soit perdu et souffre le martyre, allant même jusqu'à lui supprimer la morphine qui le soulage un peu mais qui le tuerait un tout petit peu plus rapidement en lui bloquant ses reins malades. Il finit quand même à la toute dernière extrémité, peut-être quelques minutes avant sa mort naturelle, à lui en administrer, soucieux de bien cacher son acte de la soeur infirmière.
Il y a dans ce cas le maximum de souffrances, car la vie se prolonge des quelques jours que permet l'arsenal thérapeutique dont il faut absolument utiliser toutes les vertus sauf une, celle de soulager définitevement, car la guérison ne doit pas être du pouvoir de l'homme.
Jean-Michel
Et encore aujourd'hui les liens ne sont pas complètement coupés : suicide assisté, bioéthique...
C'est vrai que la médecine se sent obligée, parfois, de prouver qu'elle est plus forte que la mort. On ne lui en demande pas tant ! Simplement qu'elle puisse lutter contre la maladie.
Je ne me posais pas ce genre de questions, auparavant. C'est un des avantages (et des inconvénients) de l'âge que de nous mettre en face de nos contradictions ;-)) Pierre
Dans le suicide assisté, c'est moins la religion que la morale qui est en cause. C'est d'ailleurs le sens du mot " éthique " : science morale.
Désolé de vous plomber le moral, aujourd'hui, en évoquant ce sujet sur le blog L.A.A.T, habituellement léger. Le temps s'y prête ;-)) Pierre
morale chrétienne en l'occurence ;)
Parce que d'un autre point de vue on peut trouver plus moral d'aider quelqu'un à mourir que de le laisser dans la souffrance.
Le plus effrayant dans l'exemple choisi c'est la logique poussée dans ses derniers retranchements ; Il ne s'agit ni de suicide assisté ni d'euthanasie (qui étaient pour le médecin concerné des péchés mortels, inenvisageables), mais simplement on supprime ce qui jusqu'alors soulageait. Le scrupule principal du protagonaiste vient d'avoir à l'esprit que si Dieu a décidé de faire souffrir c'est qu'il a ses raisons et que soulager est déjà agir contre Sa volonté.
Mais il est vrai que ça l'aidera plus tard à supporter l'épreuve de mourir en crachant ses poumons dans un sanatorium du Sud de la France (il n'est pas dit où dans le livre mais il y a de grandes chances que ce soit à Saint-Jean Cap Ferrat).
Jean-Michel
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