Le libraire, contrairement à l'amateur éclairé, doit si souvent faire le grand écart entre toutes les facettes de la bibliophilie (éditeurs, illustrateurs, textes, reliure, époques, etc…) qu'il lui arrive de négliger un domaine qu'il affectionne, à la grande surprise des lecteurs qui le connaissent. Un ami s'en inquiétait dernièrement au téléphone, en constatant que je présentais, depuis quelques temps, moins d'ouvrages du XVIIIe siècle que par le passé. Quelquefois, ceci est lié à la rareté de la marchandise ; quelquefois, ceci est lié à la rareté des acheteurs ; quelquefois ceci est lié à ma propre négligence…
Voici donc un amusant ouvrage 18eme que certains confrères classent dans le rayon "curiosa". Ne vous attendez pas à une débauche de descriptions émoustillantes et de situations libertines. Je ne garantis pas non plus, messieurs, la plus petite érection à la lecture de ce livre. Il est pourtant très sympathique et révélateur des mentalités de l'époque.
Né à Dinan près de Plouër, dans les cotes d'Armor, Charles Pinot-Duclos (1704-1772) fut nommé historiographe de France lorsque Voltaire partit en Prusse. Protégé de Mme de Pompadour, il fut de tous les salons philosophiques et les cafés littéraires. Nommé à l'Académie des Inscriptions en 1739, il rentra à l'Académie française en 1746 où il fut reçu par le Cardinal de Bernis. Il fut, à l'Académie, l'un des chefs du parti philosophique et y exerça une grande influence surtout lorsqu'il devint secrétaire perpétuel en 1755. Il négocia les coalitions des philosophes avec les autres partis et contribua ainsi à faire triompher la philosophie à l'Académie
Son œuvre la plus renommée est Considérations sur les mœurs…, dont Louis XV disait : "C'est l'ouvrage d'un honnête homme" et La Harpe "Cet ouvrage est plein de mots saillants qui sont des leçons utiles". Ce sont ses Confessions... rédigées sous forme de roman qui sont aujourd'hui présentées.
Ses relations avec les encyclopédistes ne furent pas toujours cordiales. Il fut en froid avec Voltaire que l'on disait lui avoir refusé sa voix lors de son élection à l'Académie ; il se brouilla et ne se réconcilia jamais complètement avec d'Alembert ; il ne paraît pas avoir répondu à l'attente de Voltaire qui le pressait de faire agréer par Mme de Pompadour la candidature de Diderot à l'Académie. Un jour, Duclos, parlant des encyclopédistes, dit : "Ils en diront et en feront tant, qu'ils finiront par m'envoyer à confesse"…
Roman à succès du XVIIIème siècle, ces Confessions, en forme de récit autobiographique narrant l'histoire d'un libertin repenti, sont surtout un prétexte à la peinture d'une suite de portraits féminins : la coquette, la capricieuse, la dissipée, la précieuse, la dévote… Un régal pour les amoureux du beau sexe. Pierre
PINOT (Charles, sieur Duclos). Les Confessions du Comte de ***. Amsterdam, 1767. Cinquième édition. 2 tomes en un seul volume in-12. Reliure plein veau marbré, dos lisse orné de motifs, roulettes et filets dorés. Pièce de titre couleur cerise. Filet sur les coupes, tranches rouges. Tomaison 1-2 noire. Page de garde en papier coloré. 171 et 141 pages. Petits défauts de reliure. Bel état. 120 € + port
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8 commentaires:
Tiens, un académicien qui utilise l'orthographe simplifiée de de Wailly (m'aracher, tranquilité, vous étone). Peut-être bien que les séances du dico étaient plus animées qu'on ne se l'imagine…
L'accroche politique voilée est bien amenée... certes cela aurait été beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre avec un immigré légal hongrois. Et pourtant...
B.
Très bien vu, Pascal ! Pinot-Duclos, fut de ceux qui ont participé activement à la réforme de l'orthographe pour le dictionnaire de L’Académie. Apparemment sans grand succès... En tout cas, bravo car je ne l'avais pas mentionné dans le billet. Pierre
Il fallait lire "Amsterdam" et pas "Hollande", bien évidemment ;-))
C'était facile... Pierre
Une précision pour les dinannais et les dinannaises qui ne le savent pas : La fameuse place Duclos du centre ville est bien celle attribuée à Charles Pinot, sieur Duclos. Pierre
À propos d'orthographe simplifiée, j'ai vu l'autre jour au salon du livre ancien de Chamalières où je suis allé faire un tour un in-quarto XVIIe sobrement intitulé RECVEIL DES LOVET. Mais le fait est que j'ai l'impression que pendant longtemps les doreurs se sont assez peu soucié de ce qu'ils écrivaient effectivement au dos des bouquins.
Après un travail de dorure minutieux sur les plats et le dos, la tradition était de laisser le titre aux jeunes apprentis. C'est comme cela que l'on explique ce type d'erreurs fréquentes. Pierre
Vous m'en direz tant ! (Et encore un truc que j'aurai appris.)
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