lundi 10 octobre 2011
Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Bibliopégimane et fier de l'être…
Ce matin, une lectrice m'a posé, par courriel interposé, une question un peu naïve qui aurait pu me déconcerter si je ne m'étais rendu compte que, jamais, je n'avais évoqué le sujet avec vous. Voici donc…
Cher Maître,
Vous nous présentez de façon régulière des ouvrages choisis sur les rayonnages de la librairie de Pierre, votre protégé, et jamais vous ne nous avez dévoilé si vous aviez, vous-même, une bibliothèque et si vous lisiez… Nous sommes toutes curieuses de votre réponse. Signé : Une des danseuses du Crazy-horse.
Chères demoiselles,
J'ai, bien sûr, une très riche bibliothèque. Je passe de longues heures à mon bureau, les pantoufles aux pieds, en déshabillé de soie, une étole de cachemire négligemment posée sur les épaules, à écrire des articles pétillants pour les journaux de la capitale, à ciseler quelques phrases pour mon prochain roman ou simplement à rêvasser en regardant les superbes reliures en maroquin qui ornent mes étagères.
"Pourquoi possédez-vous de si belles reliures ", me direz-vous, "alors que vous êtes un amoureux des mots ? " Je vais paraphraser mon collègue Paul Valéry de l'Académie qui avait repris un bon mot de moi : Mais parce que les livres ont les mêmes ennemis que l'homme, mesdemoiselles : Le feu, l'humide, les bêtes, le temps ; et leur propre contenu. Les pensées, les émotions toutes nues sont aussi faibles que les hommes tous nus. Il faut donc les vêtir… Je vous engage, néanmoins, à ne pas suivre ce conseil pour vous-même, chères jeunes filles…
Bibliophile fortuné, dessinateur de talent, typographe par passion, connaisseur en histoire du livre, auteur renommé et parallèlement membre de l'Académie, tout m'a amené naturellement à rassembler des ouvrages que j'estimais les plus remarquables dans les plus belles reliures. Mon souci n'est ni sociologique, ni historique, ni spéculatif, il est simplement d'ordre esthétique. J'achète selon mes moyens, qui sont conséquents il faut le mentionner, quand je les rencontre, des livres que je trouve beaux, originaux, ou typiques d'une époque. J'achète pour le plaisir du texte bien sûr, mais plus souvent pour le plaisir de l'œil : Plaisir d'une belle reliure en maroquin doublée de préférence, et plus souvent encore, plaisir de la technique de réalisation qu'elle suppose…
En dépit de toutes les modes, la peau tannée de chèvre - ou maroquin - reste pour moi l’idéal absolu. La matière est résistante, de bonne durée, maniable, merveilleusement susceptible de décoration. Ni les basanes, ni les veaux, ni les percales, ni les velours, ni les soies ne valent les livres en plein maroquin que comptent mes rayonnages. Seul le parchemin, quand il est estampé et doré, peut rivaliser en beauté avec ce magnifique cuir à longs grains. Comme tout amateur éclairé, fût-il sardanapalesque pour les revêtements apportés au livre, je ne détiens pas une œuvre rare pour le seul plaisir de la savoir cloîtrée et l'admirer sans oser la toucher. Je veux la manier entre temps et la caresser.
J'aime, en somme, les solides choses, pareilles aux anciennes quant à la résistance, et différant d’elles seulement par les fioritures et le dessin. C'est pourquoi j'apprécie que mes mains se posent sur le livre et que mes yeux le dévorent. Puissiez-vous faire, chers anges, que vos amants qui vous lisent à cœur ouvert ne se lassent jamais d'en faire un semblable usage....
Je suis bibliopégimane, et fier de l'être. Les belles reliures sont contre les tourments de la chair, ma meilleure sauvegarde ; encore que le grain de certaines reliures présente, trop souvent, je le déplore, la troublante perfection d'un épiderme de jeune fille… Et si, par distraction, quand vous m'inviterez dans vos loges – ce qui ne saurait tarder - une main respectueuse venait s'infiltrer sous vos costumes arachnéens jusqu'à toucher votre cuir satiné, sachez, chères lectrices, que ce geste ne saurait être considéré comme une atteinte aux bonnes mœurs mais simplement comme le compliment d'un amateur de livre au travail de son créateur… Voici, en exemple, deux jolies reliures en maroquin vert, judicieusement sélectionnées sur les rayonnages de la librairie. Nous présenterons d'autres couleurs, à l'occasion, si tel est votre souhait. Votre dévoué. Philippe Gandillet
MISTRAL Frédéric. Mireille. Texte et traduction. Paris, Alphonse Lemerre, sd. In-12. Plein maroquin vert empire, dos à cinq nerfs, titre en lettres dorées, toutes tranches dorées, double filet sur toutes les coupes et sur les coiffes, Dentelles et filets encadrant les contre-plats, papier coloré sur les contre-plats et les gardes. 515 pages, un portrait-frontispice gravé. Partition Magali. Texte en provençal avec la traduction française en regard. Cette reliure n'est pas signée mais on a vraiment l'impression de tenir un Gruel dans les mains… Très bel état. Pas de rousseurs. Infime ombre sur la page de titre en regard du frontispice de Mistral présenté sans serpente. Vendu
KEMPIS (Thomas de). Imitation de Jésus Christ. Traduite du latin par… Nouvelle édition. Paris, Grassart, libraire-éditeur. 1875. In-12 carré. Plein maroquin vert empire, dos à cinq nerfs, titre en lettres dorées, toutes tranches dorées, pointillé sur toutes les coupes et double filet sur les coiffes, Dentelles et filets encadrant les contre-plats, soie moirée sur les contre-plats et les gardes. Signature d'éditeur sur le contre-plat et ex-libris sur la garde moirée. Fermoir métallique. Infimes signes d'usure aux coins. Exemplaire sans illustrations. Bon exemplaire sur papier commun. 65 € + port
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21 commentaires:
ah, nous en savons un peu plus sur Philippe Gandillet : il habite à Chartres...
Un libraire s'est, en effet, inspiré de mon salon pour en faire son hall d'exposition. Et il habite, comme c'est étrange, à Chartres... Vous êtes visionnaire, Calamar. Ph Gandillet
Merci cher Maitre ! Beaucoup de bibliophile se reconnaitront dans cette nonchalance hédoniste et cet amour des peaux satinées...
Textor
Aujourd'hui est une bonne journée car mon commentaire a passé l'épreuve des firewalls de votre blog (en mode anonyme,certes). Je suis désolé mais depuis quelques temps mes message s'éfface à peine postés pour une raison que je n'arrive pas à résoudre. Mais ce soir je peux à nouveau m'exprimer !
Je profite de cette rare occasion pour vous souhaiter une Bonne soirée
Textor
Mes messages s'effacent ... quite à écrire peu autant écrire correctement...
T
le firewall, c'était un correcteur aurtograffic ?
ah non, sa paçe...
Chers amis,
Pour une raison qui m'est inconnue, certains lecteurs peinent à poster des commentaires élogieux. Jean-Michel s'en plaignait avec raison, il y a peu de temps. Il suggère, pour le cas où vous auriez à me corriger ou à compléter un billet, que vous m'envoyez le commentaire, directement par la voie officielle (13gandillet@gmail.com). Je me chargerai ensuite de le publier. Ph Gandillet
Merci à Textor et Calamar qui n'hésitent pas à braver toutes les barrières informatiques pour rendre ce blog vivant ! Pierre
On pène, mais on y à rive !
Textor
J'ai modifié quelques paramètres ! A vous de me dire ;-)) Pierre
Je fais un essai, car j'avais renoncé, devant l'envol (ou le vol?) de ma prose ...
...Google me dit que je ne suis pas autorisé etc....(alors que j'ai un compte Google qui fonctionne ailleurs)et que je dois passer en "anonyme"
Rhemus
ça fonctionne donc en anonyme
Heureux de vous retrouver, Jean-Paul ;-)) Pierre
Même problème que Jean Paul, quelque chose cloche sur blogspot. Dommage car après avoir perdu trois ou quatre fois un long commentaire philosophique sur la nocivité des champignons, on finit par réduire le message à ce que Jankélévitch appelait le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, une somme de petites inexhaustivités arides.
J'en oublie de signer mais vous m'aviez reconnu !
Textor
En effet Textor, mais il me semble que ré écrire quatre fois de suite un même commentaire quand on sait dès la seconde fois qu'il risque de disparaître aussitôt transmis, cela tient du masochisme ; La technique nous aide en nous proposant l'ouverture de multiples fenêtres en même temps, et avant de transmettre pensez à conserver ce texte lumineux qui vient de jaillir en vous dans un éclair de génie, sur une note d'Excel ou une page de Word par exemple, que vous n'aurez plus qu'à copier aussi souvent qu'il sera nécessaire, ce qui permettra d'attendre sereinement que la machine blogspot remette ses rouages en place.
Comme je viens de le faire à l'instant.
Jean-Michel
Tiens, maintenant les textes passent tout seuls, sans qu'il soit besoin de les torturer à la moulinettes du cryptage de lettres déformées à reconnaître...
moulinette, sans "s", ou une tourniquette comme disait Boris Vian.
Merci pour le conseil, Jean Michel. Vous savez, je suis arrivé tard à l'informatique, et encore plus tard à l'internet. Mes maitres m'avaient enseigné à écrire avec une plume sergent major et de l'encre tirée de l'encrier en porcelaine de ma table d'école...
Textor
et l'encre était violette
Rhemus
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