samedi 1 août 2009

Essayer Montaigne...


Qu'on se le dise ! Il n'y a dans les "essais" ni ordre, ni plan, ni but. Montaigne cite, rabâche et même parfois se contredit. Il faut dire que sa quête littéraire est passée par plusieurs mentors, de César à Plutarque puis de Plutarque à Tacite puis Sénèque puis de nouveau Plutarque… Une sorte de dilettante butinant à l'envie les textes anciens. Tout le monde l'imagine enfermé dans son donjon Bordelais (en fait, une aile d'un château en Périgord mais son cœur était Gascon) méditant sur la vie en pleine période de troubles religieux.

Une autre image de lui en fait un notable retiré des affaires. Un peu court quand on sait qu'il a eu des responsabilités municipales, qu'il a voyagé en Europe centrale et qu'il a même fait un passage par la Bastille. A ce propos, je me demandais qui n'était pas passé par la Bastille, à un moment ou à un autre de sa vie, pendant cette période ?


Apôtre du consensus mou et incapable de prendre une décision énergique, il fait frapper à son effigie une médaille ; une balance avec les deux plateaux en parfait équilibre ; qui figure l'impuissance de son jugement à choisir une solution. On peut y lire la trop fameuse devise "Que sais-je"… Comment veux-tu choisir un lieu pour les vacances avec un tel programme, lui répétait chaque été sa chère épouse !

A l'entrée de sa bibliothèque était gravée (je vais à l'essentiel d'autant plus que je ne comprends pas le latin) " Michel, depuis longtemps ennuyé par l'esclavage de la cour, vint se reposer dans le calme et la sérénité…". Le modeste bibliophile que je suis peut néanmoins faire un reproche à notre grand penseur. Montaigne avait la détestable manie de truffer ses lectures de nombreuses annotations en marge… Personnellement, je désapprouve totalement cette habitude et de tels exemplaires griffonnés doivent perdre toute valeur, je pense !


Je viens de rentrer deux "essais" que je garantis sans annotations de l'auteur.

MONTAIGNE (Michel de). Essais de Michel de Montaigne, avec les notes de tous les commentateurs, et précédés de l'éloge de Montaigne par Villemain. Paris, Froment, 1825. 8 vol. in-12, LIV+305-365-287-377-335-351-319-352 pp, terminé par "De la servitude volontaire ou le contr'un" discours d'Estienne de la Boëtie. Reliure demi-chagrin havane, dos à 4 nerfs et motifs et tomaison dorés. Rousseurs éparses mais intérieur frais. Importante table analytique, portrait frontispice de Montaigne. Bel ex libris. Vendu


MONTAIGNE (Michel de). Essais de Montaigne suivis de sa correspondance et de la servitude volontaire d'Estienne de la Boëtie. Charpentier, Libraire-Editeur, Paris 1862 - Edition variorum accompagnée d'une notice biographique de notes historiques, philologiques et d'un index analytique par Charles Louandre. 4 tomes, Demi percaline noire titre et tomaison dorés. Tous en bon état. Volume 1: 441pages; Volume 2: 552 pages; Volume 3: 548 pages; Volume 4: 503 pages. 90€  + port

4 commentaires:

Jeanmichel a dit…

Pierre, grâce à toi aujourd'hui je décille et comprends enfin pourquoi cet auteur a toujours eu l'heur de tant plaire aux écoliers.
C'est que c'était un âne (de Buridan) !

Pierre a dit…

Voici une métaphore pertinente qui va faire hurler les universitaires ! Mais nous l'écriront-ils ?

jpp a dit…

Tu auras beau dire et écrire ,l'honnête homme en revient toujours à Montaigne; ses "errements" et son dilettantisme ne sont que le reflet d'un esprit qui n'a érigé le "doute" en conduite morale que par rejet des certitudes toutes faites ...
Et puis n'a-t-il pas écris un des plus beaux textes sur l'amitié qu'il soit..
il faudra que nous en discutions un jour.

Pierre a dit…

"Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui ; parce que c’était moi." Michel de Montaigne, Essais, Livre I, XXVIII,

Que dire après cela ? Merci, Monsieur Montaigne pour cette déclaration d'amitié.