Voici l'un des plus beaux livres de la première partie du 18eme siècle ! Les œuvres de Molière, illustrées par François Boucher dans l'édition de 1734, en premier tirage…
Des lecteurs voudront que l'on s'attarde sur Jean-Baptiste
Poquelin dit Molière. Nous avons déjà présenté l'auteur ici (vous pouvez cliquer) et je vous invite à parcourir d'un œil distrait l'article qui lui est
dédié. Le caractère exceptionnel de l'ouvrage
proposé aujourd'hui à la vente provient de la qualité des gravures qui ornent
ces 6 beaux volumes. Elles sont l'œuvre de François Boucher, peintre "galant",
graveur et dessinateur, qui incarne le mieux la frivolité et le caractère
élégant de la vie de cour française au milieu du 18ème siècle.
Les premières
années de François Boucher (1703-1770) sont toutes consacrées
au dessin, à la copie et à la gravure, il gagne sa vie en travaillant
comme illustrateur dans l'atelier de J. F. Cars et fournit des vignettes de
thèses, participe à l'Histoire de France de Daniel gravée par Baquoy et
travaille sur les œuvres de Molière que nous présentons, ici. Après une
formation auprès de François Lemoine, il remporte le prix de Rome en 1720 et
séjourne en Italie de 1727 à 1731 comme pensionnaire à la villa Médicis. Il est
admis à l'Académie Royale de peinture et de sculpture en tant que membre en
1734.
Sa carrière a été une réussite considérable et il a reçu de
nombreuses distinctions, devenant le Directeur de la manufacture des Gobelins
en 1755 et le Directeur de l'Académie de peinture ainsi que le Peintre du Roi
en 1765. Il était aussi l'artiste favori de Mme de Pompadour, la
maîtresse la plus célèbre de Louis XV, à qui il a donné des cours et dont il a
peint le portrait plusieurs fois. Dans ses scènes galantes il a peint la chair
féminine avec une sensualité délicieuse, notamment dans le célèbre
tableau de La fille allongée… à la croupe galante : à faire se damner un saint !
François Boucher a maîtrisé toutes les branches de la peinture
décorative, des arrangements colossaux de décoration pour les châteaux royaux (Versailles,
Fontainebleau, Marly et Bellevue), jusqu'à des dessins sur des éventails et des
pantoufles.
Selon les bibliophiles, on doit à François Boucher de nous avoir
donné l'édition la plus parfaite de toutes les œuvres de Molière. Selon
Delaplanque, les compositions sont charmantes, aisées, traitées dans l'esprit
et dans le costume du 18eme siècle. Boucher représente ces comédies comme il
les a vues jouer, et ses personnages ont comme un souvenir de ceux de Watteau…
Les livres étaient malheureusement grands et coûteux (il le sont
toujours…), aussi parait en 1741 à Amsterdam une édition plus petite avec
réduction des dessins de Boucher. La chose est symptomatique et nous voyons ici
l'avènement de la gravure en petit par des vignettistes qui remplaceront le
peintre.
Ce que les bibliophiles savent : une réimpression a été
faite sous la même date. On reconnaît le premier tirage par une faute
d'impression à la 12eme ligne de la page 360 du tome 6 ; le mot Comtesse est
écrit Comteese… et j'ai la faute sur mon exemplaire ;-))
En lisant la description de Jean Adhémar, on constate que
celui-ci mentionne que ces ouvrages sont des in-folio ce qui est faux : le sens
des vergeures montre qu'il s'agit de volumes In-4. Autre précision ; s'il est
mentionné 1734 sur la date d'édition, l'ouvrage a été imprimé par Prault en
1733 comme indiqué en fin du tome VI.
On pourra s'étonner qu'un petit libraire de Province propose
un tel ouvrage dans sa modeste boutique. La présentation de cette édition
flatte momentanément l'ego du boutiquier, parvenu* l'espace d'un instant, à se
hisser au niveau des plus grandes maisons parisiennes. Il s'agit sans conteste
d'un ouvrage pour bibliophile averti. Le plaisir que j'ai cependant retiré à
préparer ce billet est intellectuellement équivalent à celui que je retirerai
demain avec un ouvrage beaucoup plus modeste. Pierre (qui ne l'est pas
toujours…)
MOLIERE. Œuvres de Molière. Nouvelle édition. A Paris, (Imprimerie
de P.Prault), 1734. 6 volumes grand In-4.
Reliure de l'époque en plein veau fauve marbré, triple filet doré
encadrant les plats, dos à nerfs, caissons encadrés de triple filets et
richement ornés de fleurons dorés, pièces de titre et de tomaison en maroquin
rouge et citron, double filet or sur les coupes, tranches jaspées, gardes
colorées. Un portrait de Molière gravé par Lépicié d'après Coypel + 33 figures
hors texte de Boucher gravées par Laurent Cars, un fleuron de titre répété à
chaque volume, 198 vignettes et culs-de-lampe par Boucher, Blondel et
Oppenord, gravés par Joullain et Laurent Cars. Tome 1 : LXX, 330pp – 1 portrait
et 4 figures. Tome 2 : 446pp - 6 figures. Tome 3 : 442pp - 6 figures. Tome 4 :
420pp - 6 figures. Tome 5 : 618pp - 5 figures. Tome 6 : 554pp – 6 figures. Une
tache ancienne d'encre sur la tranche du troisième volume qui ne touche pas la
marge et une petite mouillure très claire sur deux pages en début de ce même
tome. Ex libris manuscrit ancien. Très bel état intérieur et extérieur. Vendu
* et non pas : du boutiquier parvenu, l'espace d'un instant,
à se hisser […]
10 commentaires:
1000eme message depuis la création du blog L.A.A.T et 200 membres honoraires à ce jour. Ces chiffres ronds valaient bien la présentation d'un ouvrage prestigieux ;-)) Pierre
Un autre libraire de province (Chartres) est vert de rage ... Il doit maintenant partager son monopole du livre rare et précieux !
Nous serions donc deux à partager ce monopole ? Alors, je possède 0,00001% et lui le reste ;-))
A défaut de posséder de magnifiques ouvrages comme lui, j'ai ses catalogues qui m’enchantent. Pierre
Bravo!!!
Et quel teasing la semaine dernière à propos de ce Molière :)
Je me serais bien laissé tenté mais j'ai pas encore touché mon RSA ... :-/
B.
Il y avait préméditation, Hugues, vous avez raison ! Je n'ai aucune circonstance atténuante ;-)) Pierre
Je peux vous faire un crédit sur 20 ans, Bertrand. Entre libraires, il faut se serrer les coudes à défaut de pouvoir desserrer son portefeuille... Pierre ;-))
Pas assez cher, je préfère celui de la vente Luynes, qui est moins joli! :)
Pierre, je parle de vous ici:
Buzz Bibliophilie, ou le "Pschitt" de la vente de la bibliothèque des ducs de Luynes chez Sotheby's (29 et 30 avril 2013)
http://bibliophilie.blogspot.fr/2013/04/buzz-bibliophilie-ou-le-pschitt-de-la.html
Hugues
La provenance prestigieuse et le renom de la SVV feront la différence, Hugues. Il n'est pas impossible que ce même ouvrage parte à un prix bien plus élevé. J'assumerai néanmoins pleinement la responsabilité de mon évaluation et j'en tirerai alors les conséquences en retirant l'ouvrage de mon catalogue après la fin de la vente... Pierre
12.000€ (avec les frais) à la vente de la bibliothèque des Ducs de Luynes fin avril 2013. Je suis dans la fourchette raisonnable... Pierre
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