vendredi 22 mars 2013

Les Robinsons du 19eme siècle où l'insécurité des transports maritimes...


Qu'est-ce qu'un plagiaire ? Un individu qui s'approprie indûment ou frauduleusement tout ou partie d'une œuvre littéraire ; certains étendent même, par extension, celui qui s'approprie un style, des idées, ou des faits d'une œuvre originale. A ce compte, me direz-vous, les romanciers sont tous des plagiaires car les histoires d'amour se ressemblent, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, le droit d'auteur protège une œuvre, mais non l'idée qui l'a inspirée et le style qui l'a mise en forme. Cependant, la limite entre l'inspiration et l'imitation est parfois très difficile à déterminer. Dans l'exemple que je présente, ici, le doute n'est même pas permis puisque le titre même des deux ouvrages fait référence à l'œuvre originale : Robinson Crusoé de Daniel Defoe, publié pour la première fois en 1719. Alors pourquoi écrire de telles œuvres quand on s'appelle Johann Wyss ou Madame Woillez ? Le filon, bien évidemment, et la certitude d'être lu.


Voici donc deux ouvrages qui retracent les aventures de naufragés involontaires. Si celles de Robinson Crusoé étaient empreintes de considérations philosophiques, le ton de ces deux succédanés est plus axé sur la morale. Le Robinson suisse de Johann Wyss est connu :

Une famille de Suisses débarque sur une île inconnue, après que le navire qui les transporte s'est échoué sur un récif. L'auteur a, bien évidemment, mis beaucoup de lui dans le personnage du père, le pasteur. La nature de l'île est donc mise en coupe réglée avec un idéalisme qui condamnerait nos suisses, à brève échéance, dans n'importe quelle épreuve de Koh-lanta…. On découvre chez ce pasteur-auteur-pédagogue, une morale qui paraîtrait, aujourd'hui, surannée. Le lecteur moderne éprouvera des sentiments tout aussi mitigés à l'endroit de la femme du pasteur. Evidemment conçue par l'auteur comme l'incarnation des vertus ménagères, madame Arnold ne dispose que de deux attitudes : la crainte pour la sûreté des siens et l'attendrissement : " Les femmes ne sauraient rivaliser d'activité et d'énergie avec les hommes. Néanmoins, elles font ce qu'elles peuvent, et tout à l'heure, vous verrez que votre mère n'est pas restée les bras croisés pendant votre absence. " (sic)… Quelle clairvoyance !


Contrairement à l’œuvre originale, nos robinsons suisses disposent de la totalité du matériel contenu à l'intérieur du navire ; leur dénuement est par conséquent très relatif... Et c'est tant mieux car l'île est très peuplée ! La faune est un mélange de tout ce qui se trouve d'un peu exotique aux quatre coins du globe : pingouins, ornithorynque, autruches, tigre, boa "venimeux", sanglier, porc-épic, kangourous, poule du Canada, etc. Les remarques de l'auteur prêtent cependant à rire. Voici par exemple la description d'une outarde : " Ernest reconnut alors que c'était une oie outarde... Comme cette outarde ne portait pas de moustache, on supposa que c'était une femelle " (sic).  Il est dommage qu'il n'y ait pas eu de naturels anthropophages dans l'île. L'absence de suspense se fait cruellement sentir…


Le Robinson des demoiselles est à l'unisson : M. de Surville a perdu sa belle plantation à Saint-Domingue à cause de la révolte des nègres (sic)... Rapatrié, il ne trouve qu'une place de régisseur près de Blois. Sa femme meurt en couches et sa petite fille, est confiée aux soins d'une nourrice et du bon nègre Dominique. Quand Emma atteint une douzaine d'années, un parent installé à Buenos-Aires propose à M. de Surville de l'y rejoindre. Il s'embarque donc avec Emma et Azor, le chien. Sur le bateau, les voyageurs font la connaissance d'une Mme Duval, qui voyage avec sa petite fille âgée de cinq ans.


Tempête et naufrage. Emma se retrouve sur une île déserte avec le chien Azor. Classique… La petite fille vit de la cueillette. Azor chasse et les fournit tous deux en viande. La petite fille passe aussi un temps considérable en prières. Un beau jour, elle trouve une femme mourant de faim, à côté de sa petite fille. Il s'agit de la Mme Duval, rencontrée sur le bateau et qui n'a survécu qu'à grand peine. Mme Duval meurt, et Emma élève la petite Henriette, qui lui sert donc de "Vendredi". Quelques temps après, arrive sur l'île M. de Surville qui a échappé à la mort et elle rentre en France dans la propriété près de Blois, dont son père s'est porté acquéreur...


Peu de péripéties dramatiques émaillent ce périple. Emma ne cultive pas et n'apprivoise guère que quelques oiseaux et une antilope. Si Emma se débrouille si bien sur l'île, c'est à cause de l'excellente instruction, tant religieuse que scolaire, qu'elle a reçue…  Là encore, Il est dommage qu'il n'y ait pas eu de naturels anthropophages dans l'île. Cela aurait permis d'épicer l'aventure… Pierre


WOILLEZ (Mme). Le Robinson des demoiselles. Nouvelle édition. Librairie Théodore Lefevre et Cie, sd (1883). Un volume in-8. Cartonnage éditeur polychrome à bords biseautés. Percaline rouge illustrée, toutes tranches dorées, pages de garde colorées. 300 pages. Gravures en noir et blanc par Trichon et G. Lafosse. Très peu de rousseurs, pas de ressauts de cahiers. Bel état général. 42 € + port

WYSS (Johann). Le Robinson suisse ou histoire d'une famille suisse naufragée. Nouvelle édition. Librairie Théodore Lefevre et Cie, sd (1883). Un volume in-8. Cartonnage éditeur polychrome à bords biseautés. Percaline rouge illustrée, toutes tranches dorées, pages de garde colorées. 308 pages. Gravures en noir et blanc. Peu de rousseurs, un petit ressaut de cahiers, dos un peu insolé. Bon état général. 32 € + port

2 commentaires:

calamar a dit…

à la lecture du titre, et au vu des photos, je me réjouissais à l'avance de la lecture de ces 2 magnifiques cartonnages, recouvrant 2 classiques du XIXe, qu'on relit toujours avec plaisir, quand (bêtement il est vrai) j'ai lu le texte...
euh, en fait, je vais plutôt économiser pour me payer du de Foe véritable...

Pierre a dit…

Il ne faut pas croire tout ce que j'écris, calamar, mais, pour le coup, à part si vous êtes un collectionneur de jolis cartonnages historiés-en-très-bel-état-pas-cher-du-tout, vous pouvez vous replier sur le joli cartonnage historié-en-très-bel-état-pas-cher-du-tout de Defoe que je vends sur mon blog ;-)) Pierre