J'ai beau me dire, qu'en troisième, je ne devais pas être
plus doué que ces jeunes, un doute m'envahit cependant : et si la
langue française se cantonnait, dans l'avenir, à sa portion congrue ? A
quelques mots, au sens approximatif, assemblés sans forme particulière ? Il
faut voir, d'ailleurs, dans cet appauvrissement de la langue française une des
raisons de l'échec relatif des traducteurs automatiques, bien incapables de
comprendre le sens premier des phrases qu'on leur soumet.
Vaugelas se retournerait dans sa tombe… J'ai pensé que
c'était donc le moment de l'exhumer en vous proposant à la vente, aujourd'hui, une
superbe réédition à petit nombre de ses Remarques sur la langue française,
véritables sucreries offertes aux gourmands des jolis mots.
Apprendre à la France à bien parler et à bien écrire, tel est le but que s’était fixé Claude Favre, baron de Pérouges et seigneur de Vaugelas, afin de rogner les ailes aux " latinisants " de l’époque, savants, beaux esprits et hommes d’église qui avaient enfermé l’expression orale de l’époque dans le moule antique. Loin de la compréhension et de l’expression quotidienne du Français, selon lui : " Le peuple n'est le maistre que du mauvais Usage, et le bon Usage est le maistre de nostre langue".
Gentilhomme ordinaire, puis chambellan du duc d’Orléans, et
sur la fin de ses jours, gouverneur des enfants du prince Thomas de Savoie. Il
était fort assidu à l’hôtel de Rambouillet. Admis à l’Académie française en
1634, il eut une pension de Richelieu
pour travailler au Dictionnaire : il donna quinze années pour les
lettres A jusqu’à I et écrivit ses Remarques sur la langue
française ; " La matière en est très bonne pour la plus grande partie,
et le style excellent et merveilleux
" en disaient ses contemporains (sic).
Sainte-Beuve, dans ses nouveaux lundis, affirmait :
" Vaugelas a été en son temps l’organe le plus accrédité du meilleur et du
plus pur parler de la France […]. Il passa
sa vie à observer l'usage de la langue française, à en épier, à en recueillir
tous les mouvements, toutes les variations, les moindres incidents
remarquables, à les coucher par écrit. C’était un véritable statisticien du
langage "
Il mourut pauvre et insolvable en 1650. Les créanciers se précipiterent et se saisirent des écrits du défunt comme des
cahiers de l’Académie, que cette dernière ne pourra recouvrer qu’après un an de
procédures juridiques. Mais le grammairien eut peut-être, lui-même, le mot de
la fin* en déclarant, juste avant de mourir : « Je m’en vais, ou je m’en vas,
car l’un et l’autre se dit, ou se disent ». Pierre
* Je songe aussi, si un jour je meurs, à une clausule aussi marrante ;-))
VAUGELAS (Favre de. Claude). Remarques sur la langue françoise. Utiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire. Éditions Du
Raisin, Imprimerie Nationale, Paris 1945. 3 volumes grands In-8. Sous chemise
et étui. 49pp, 66-355pp, 372-648 pp, tirage limité à 150 exemplaires, le notre
le n° 138 sur vergé blanc à la forme des moulins de Richard de Bas. Réédition
du texte de 1647 paru chez la Vve Camusat et Pierre le Petit. Couverture illustrée
par Jeanne Marie Maudot, typographie de
Maurice Darantière, titres sur vignettes contrecollées, aux dos et sur les
1ères de couverture. Des piqûres sur le papier mais très bel état général. Vendu
4 commentaires:
Quand un libraire entend des voix...
Mais la première de ces voix, qu'a-t-elle dit ? "M'sieur, c'est qui Jésus-Christ ?"
La réponse risquait là d'être fort étoffée !
Jean-Michel
C'est vrai que je m'en suis mieux sorti avec contemporaine que je ne m'en serais sorti avec Jésus Jean-Michel ! Pierre
Hélas, hélas, il semble bien que ces derniers mots prêtés à Vaugelas soient apocryphes. Sans doute trop beaux pour qu'on puisse les croire vrais…
Mais j'ai aussi un faible pour ceux – authentiques – de Tchekhov : « Il y a longtemps que je n'ai pas bu de champagne. »
Dans le même genre d'humour définitif, je me garderai d'oublier cette épitaphe citée par Claude Gagnière dans Tout l'or des mots : « Je vous l'avais bien dit, que j'étais malade. »
Sinon, si j'étais pas si fauché, je bondirais sur ce Vaugelas. Tenez-moi au courant, Pierre, s'il vous plaît. Si jamais vous voyez qu'il ne part pas, peut-être que je finirai par me laisser tenter…
Trop tard, Pascal ;-))
Je conseille, comme vous, l'ouvrage Pour tout l'or des mots de Claude Gagnière qui a été, pendant longtemps, mon livre de chevet pour chasser les petits soucis de la journée avant de s'endormir... Pierre
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