Le récent décès de Stéphane Hessel, encensé par les uns (il critiqua les choix politiques de la droite), vilipendé par les autres (il privilégia l’émotion plus que la réflexion) m'a rappelé qu'un autre écrivain s'était engagé, avant lui, sur le terrain miné de la révolte : Albert Camus.
De L’Homme révolté, on ne retient malheureusement
trop souvent que l’écume : la réception très réservée du monde intellectuel
français et la polémique avec Sartre, l’un des familiers de Camus au lendemain
de la guerre. Pour résumer l'ouvrage, on peut dire que Camus se livre ici à
des portraits d’individus révoltés de tous temps - Sade, Lautréamont,
Bakounine, Dostoïevski, et les autres - plus qu’à l’analyse de systèmes
philosophiques et politiques dont il dénonce les tentations et les réalisations
totalitaires. Cette position ne pouvait que susciter méfiance et opposition,
en pleine guerre froide – Sartre en tête. Si la "Révolution", le "Grand Soir" ou
la "victoire du prolétariat" constituent des modalités de la révolte, ils ne
peuvent en constituer le modèle ou la panacée universelle, nous dit Camus,
preuve à l'appui : à toutes époques, les révolutions ont abouti à des meurtres
et à un renforcement de l’État. Vous pouvez me donner des contre-exemples si
vous êtes joueur…
« Qu'est-ce qu'un homme révolté? Un homme qui dit
non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas : c'est aussi un homme qui sait
dire oui, dès son premier mouvement. » Il existe donc une
limite à la révolte. Le révolté récuse la promesse de temps automatiquement
meilleurs. La création artistique est d'ailleurs présentée par Camus comme un
modèle de révolte. " Par le traitement que l’artiste impose à la réalité,
il affirme sa forme de refus. Mais ce qu’il garde de la réalité dans l’univers
qu’il créée révèle le consentement qu’il apporte à une part au moins du réel
qu’il tire des ombres du devenir pour le porter à la lumière de la création
" : voici bien le genre de raisonnement un peu tordu qui m'a fait choisir une
filière scientifique pour mes études
;-))
Malgré la réception mitigée de l’ouvrage,
Camus n’a jamais renié cet ouvrage, bien au contraire : " C’est un livre
qui a fait beaucoup de bruit et qui m’a valu plus d’ennemis que d’amis (du
moins les premiers ont crié plus fort que les derniers). (…) Parmi mes livres,
c’est celui auquel je tiens le plus ".
Malgré tout, la révolte est souvent légitime, elle est
l'expression la plus pure de la liberté et semble revêtir le visage de l'espoir.
S'il y a un philosophe dans la salle, il dira, avec ses coreligionnaires, que
si le révolutionnaire a la volonté de " transformer le monde ", comme
le promet Marx, le révolté, de son côté, veut simplement " changer la vie
" comme le soutenait Rimbaud dans ses poèmes, l'hymne du parti socialiste en 1977 et
Jean-Jacques Goldmann dans ses chansons…
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie...
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie...
L'ouvrage que je propose à la vente est l'édition originale
numérotée de L'homme révolté présentée dans son cartonnage éditeur relié
d'après la maquette de Mario Prassinos. Les amateurs de ces cartonnages N.R.F
ne seront pas surpris par l'estimation de l'exemplaire proposé. Il est peu
fréquent à la vente. Ce qui ne signifie pas qu'ils puissent être légitimement
révoltés… Pierre
CAMUS (Albert). L'homme révolté. Paris, Gallimard, 1951. Un
volume in-12. Cartonnage éditeur d'après la maquette de Mario Prassinos, gardes
illustrées aux initiales de la NRF. 382 pages. Edition originale de premier
tirage, achevé d'imprimer du 18 octobre 1951. Un des 1500 exemplaires sur
Alfama des papeteries du marais (n°1426). Dos insolé mais bel état général
intérieur et extérieur. Vendu
3 commentaires:
La révolution des oeillets au Portugal ?
Il y a, en effet, quelques contre-exemples récents qui vont confirmer la règle. Pierre
Blog à part... J'arrive bientôt à 200 membres honoraires ! Ce qui compte pour moi, ce n'est pas le chiffre en lui même mais le fait que je sois arrivé au bout d'une étape ;-))
Merci aux lecteurs bienveillants. Pierre
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