Un recueil factice est un recueil composé de textes divers, regroupés artificiellement, traitant généralement du même sujet et présentés sous la même reliure. Ce peut être un recueil de pièces de théâtre comme cela était souvent le cas au 17eme et 18eme siècle mais on a aussi souvent à faire à des recueils de planches, de documents administratifs ou législatifs. L'ennui pour les bibliophiles, c'est que, parfois, un seul texte vaut pour tout le recueil factice…
Ici, six textes sont rassemblés
autour du caractère pieux du monarque (ici, le dauphin ; fils de Louis XV).
C'est le brûlot édité contre Voltaire, philosophe des lumières, esprit
subversif opposé à la lumière divine, qui me semble le texte le plus
remarquable dans cet heureux mélange même si le premier texte, une éloge écrite
par l'abbé Boulogne a remporté un prix auprès d'une société des lettres.
Je rappelle que Louis
Ferdinand de France est l’aîné de fils de Louis XV et de Marie Leszczynska. Il naît
en 1729 au château de Versailles et devient l'héritier présomptif du trône de
France. En 1745, le dauphin épouse Marie-Thérèse- Raphaëlle d’Espagne, fille de
Philippe V. Après la mort de celle-ci, en couche, il se tourne vers une vie
dédiée à la religion et à la morale. Pas facile quand on a la Pompadour tous
les jours devant les yeux… Il épousera ensuite en 1947 Marie-Josèphe de Saxe
qui lui donnera qui lui donne huit enfants, dont cinq parviendront à l'âge
adulte. En août 1765, il tousse. Il mourra de la tuberculose huit ans avant son
père et trois ans avant sa mère, entraînant son épouse avec lui dans la
maladie.
Son père ne fut jamais proche de lui. Louis XV avait une vie
privée qui ne plaisait pas au Dauphin, ce qui éloigna le père et le fils
pendant longtemps. Le Dauphin participa cependant aux côtés de son père à la
bataille de Fontenoy (1745) où il fit preuve de courage. À partir de 1757
(attentat de Damiens contre le roi), il fut invité à participer aux séances du
Conseil royal, où il se fit remarquer par ses positions conservatrices.
Louis-Ferdinand de France est quand même le père de trois rois de France ! Louis
XVI, Louis XVII et Charles X. C'était un homme fort pieux, chaste, sobre et
fidèle à son épouse (comme beaucoup d'entre nous, dailleurs), ce qui était rare
à la cour. Préférant la méditation aux exercices physiques, il ne pratiquait
pas la chasse, activité pourtant réservée aux seuls nobles et fut le premier
Bourbon à être obèse… Tout ceci est fort bien développé dans les éloges de ce
recueil.
Vous ne serez donc pas surpris de voir associé à cette
compilation, une critique virulente de Voltaire à travers le jugement, par le
texte, de ses contemporains. Où le bas blesse, c'est que les références
choisies le sont par des auteurs dévoués corps et âme à la religion catholique
et qu'ils sont donc partiaux. " De tous les Auteurs que l'irréligion a
produits dans le monde, aucun ne peut se venter d'avoir poussé l'impieté à un
plus haut degré que Voltaire. Presque tous ses ouvrages sont autant d'autels
élevés au libertinage, à l'indépendance & au matérialisme. Mais ce qu'il y
a de bien triste, & ce qui annonce une grande dépravation: c'est que tout
le monde les lit, tout le monde les cite, femmes, enfans, domestiques ! ".
Une très mauvaise contre-publicité, à mon avis
;-))
Suivent quelques forts beaux vers d'une satire contre les philosophes et les mœurs du siècle par M. Gilbert dans laquelle nous avons puisé ceci :
Avant que par l'effroi ma muse désarmée,
Pardonne aux Novateurs leur folle renommée,
Que leurs noms soient placés parmi les noms flétris :
Je veux qu'on les méprise autant que leurs écrits…
Le recueil factice se termine par une adorable lettre du même auteur. Adélaïde de Lussan, jeune femme cloîtrée, est écartelée entre son amour pour Dieu et son amour pour le Comte de Comminge. En mourant, elle se rapprochera logiquement du premier… Pierre
COLLECTIF. Un recueil factice in-8 de six ouvrages : Reliure
plein veau marbré, dos à nerfs, caissons ornés, filets et roulettes, pièce de
titre maroquin, toutes tranches marbrées, gardes colorées type coquille. BOULOGNE
(Abbé): Eloge de Louis Dauphin de France, père du Roi. Discours qui a remporté
le prix proposé par une société, amie de la Religion & des lettres. A Paris
Chez Merigot, 1781. viij, 100pp. Une vignette avec portrait du dauphin. MILOU
(M. de. Prêtre). Eloge de Louis Dauphin de France, père du Roi. A La Haye et
chez Lesclapart, 1781.82pp. BOULOGNE (Abbé): Panégyrique de Saint-Louis, Roi de
France. Prononcé dans l'église de l'Oratoire, devant les deux Académies royales
des belles lettres & des sciences. A Paris Chez Merigot, 1781. 76pp. HAREL
(Marie-Maximilien, dit le P. Élie). Voltaire. Recueil des particularités
curieuses des sa vie et de sa mort. A Porrentruy. Chez Jean Joseph Goetschy,
Imprimeur de Son Altesse. 1782. Seconde édition. Iv, 141pp. GILBERT. Mon
apologie, précédé du Dix-huitième siècle. Satires. Quatrième édition. A
Amsterdam, 1778. 36pp. GILBERT. Héroïde ou lettre d'Adélaïde de Lussan au Comte
de Comminge par M. de Maisonneuve… A Paris chez Esprit, 1781. 19pp. Très bon
état. 205 € + port
2 commentaires:
Doux Jésus ! Si Louis Ferdinand a bien épousé Marie-Josèphe en 1947 – il avait alors 218 ans – il n’y a pas que le recueil de factice, mais le mariage aussi. Je pose donc la question : qui est le père des huit enfants ?
Bravo Textor ! Votre œil est aussi perçant que votre esprit ;-))
Marie-Josèphe avait le choix dans la date mais de là à ce que Louis Ferdinand attende 1947... Pierre
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