mercredi 25 juillet 2012
Les barrieres morales d'un libraire d'ouvrages anciens...
C'est le plus grand des hasards qui m'a fait découvrir, au fond d'une bibliothèque, des ouvrages traitant du mythe de Hitler, du fascisme et de l'antisémitisme d'avant-guerre. Ce lot n'appartenait pas, semble t-il, à un prosélyte mais à une personne qui avait vécu cette période en bon français moyen de l'époque. Certains auraient brûlé ces ouvrages avec la fin de la dictature du Reich, celui là avait remisé ses livres au fond d'un meuble… C'est à l'occasion d'une succession que ces livres ont retrouvé la vie.
N'allait-on pas me taxer de fascisme, pire, de Sarkozisme primaire ? Et puis, je me suis rappelé que la dernière personne à me commander une édition ancienne de Mein Kampf (que j'ai d'ailleurs trouvé facilement sur livre-rare-book) était une jeune avocate noire dont on ne pouvait douter qu'elle le faisait simplement, j'allais dire naturellement, pour aiguiser son propre jugement.
Ce problème auquel sont confrontés les libraires d'ouvrages anciens ne se limite d'ailleurs pas à la diffusion d'idées politiques du passé, condamnables aujourd'hui. Il est du même ordre, lors de la commercialisation d'ouvrages, de dessins ou d'esquisses pornographiques que des féministes pourraient trouver avilissantes pour la condition féminine, lors de la vente de thèses glorifiant les supériorités raciales ou de livres de tortures et de supplices faisant appel à nos plus bas instincts diencéphaliques... Le libraire d'ouvrages ancien doit-il être un censeur ou doit-il se contenter de n'être qu'un humble commerçant soucieux de l'équilibre financier de sa boutique ?
Avant de m'installer, je m'en souviens encore, un confrère m'avait dit : Nous avons un métier où nous ne maîtrisons pas toujours l'offre. Si tu rentres une bibliothèque d'excellents ouvrages rares et précieux en langue allemande que tu ne comprends pas, tu devras les présenter avec le même souci et la même rigueur que tous les autres de ta boutique car ils te permettront, tout autant, de vivre de ton métier ! Il m'a été difficile de jeter des ouvrages en mauvais état, au départ de mon activité. Maintenant cela me parait une évidence. Dois-je, maintenant, m'imposer des barrières morales en amont de mes contraintes financières ?
J'ai bien un argument éculé à vous proposer, " On peut rire ou parler de tout mais pas avec n'importe qui ", mais il me parait un peu court, pour tout dire… Pierre
- APPUHN (Ch). Hitler par lui-même d'après son livre "Mein Kampf". Paris, Jacques Haumont éditeur, 1933. Vendu
- BESSEDOVSKI & LAPORTE. Staline, l'homme d'acier. Alexis Redier éditeur, 1932. 14 € + port
- ANIANTE (Antonio). MUSSOLINI. Paris, chez Grasset , 1932. 14 € + port
- BERTRAND (Louis). Hitler. Paris, chez Fayard & Cie. 1936. 12 € + port
- PEMJEAN (Lucien). Vers l'invasion. Paris, éditions Baudinière. 1933. Vendu
- LEGRAND (H.André). Prisons nazies. Paris, les éditions de France. 15 € + port
- FOUCAULT (André). Germanie, une enquête en Allemagne. Nouvelle librairie française. 1932. 16 € + port
- BONNEFON (Charles). Histoire d'Allemagne. Paris, Arthème Fayard, 1930. 9 € + port
- MALGLAIVE (Gabriel). Juif ou Français, aperçu sur la question juive. Edition CPRN. 1942. Vendu
- LEERS (Dr Johann von). Forces occultes derrières Roosevelt. Maison internationale d'édition, 1939. Vendu
- STASSER (Otto). Hitler et moi. Grasset, 1940. 15 € + port
- SORB (Commandant). L'auteur de l'écroulement de l'Allemagne. Hitler, caporal stratège. Les éditions de la nouvelle France. 1945. 13 € + port
- VERMEIL (Edmond). Hitler et le christianisme. Gallimard, 1940. 14 € + port
- VIGUIER. L'extraordinaire prophétie du moine Hermann. Boissard. 1932. 14 € + port
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8 commentaires:
Aucune censure, jamais, parce que le risque c'est de ne pas en maîtriser les contours. Et je dirai, surtout avec l'objet historique ! C'est clore un débat avec un argument moral ce qui pour moi n'est jamais satisfaisant (même problème avec les lois mémorielles d'ailleurs).
Je me souviens d'ailleurs d'avoir vu dans la bibliothèque familiale une édition de mein kampf publiée au sortir de la guerre par le CNR (souvenir vague??) avec un petit texte d'introduction indiquant pourquoi il était utile de lire ce livre.
Je me souviens avoir lu "bagatelles pour un massacre"
je n'en suis pas devenu pour autant antisémite,
ni anti Céline d'ailleurs.
je l'ai lu comme vous le dites Pierre
"pour aiguiser mon jugement"
les livres ont le destin qu'ils méritent
ils n'ont pas besoin de la censure
David
Il semble que les barrières morales à respecter soient surtout celles que l'on se donne individuellement... Pierre
Mais le problème avec la censure c'est qu'on impose ses barrières aux autres.
C'est aussi considérer le lecteur avec un à-priori de bêtise (préservons-le il ne sera pas capable de prendre de la distance). Le libraire a, à mon avis, intérêt à considérer le lecteur avec un à-priori d'intelligence. Ce qui est il me semble plutôt votre position habituelle Pierre.
Une petite idée de lecture qui colle au sujet (si je puis dire ... vue la chaleur)
inutile que je signe hein...
http://cgi.ebay.fr/CURIOSA-FLAGELLATION-III-REICH-Kurt-GERWITZ-FRAULEIN-XX-/390445706483?pt=FR_GW_Livres_BD_Revues_Livres&hash=item5ae860acf3#ht_500wt_1413
La fesse ne me choque pas, foi de véto ;-)) Mais le prosélytisme haineux ou malsain, quel qu'il soit, dérange mes convictions. Il me suffit de l'ignorer, me direz-vous, mais cela m'oblige à retenir mon poing... Pierre
Vieille lune, en somme : faut-il fixer des limites à la tolérance ? J'y ai toujours répondu par une pirouette : la tolérance, c'est du pipeau. Ou j'ai pad problème pour admettre que tu aies la peau noire ou que tu aies envie d'adorer un truc que tu appelles ton dieu, et j'ai pas besoin de la tolérance. Ou il te toque de vouloir couper le cou aux gens parce qu'ils ont la peau noire ou un autre dieu que le tien, et là pas de tolérance qui tienne : je te prierai de déguerpir. Et vite.
Et au diable les jugements tout noirs ou tout blancs : le Céline du Voyage est un écrivain remarquable; celui de Bagatelles ne mérite que des coups de pied au cul.
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