Ceux qui ne croient pas en l’impossible sont priés de ne
pas décourager ceux qui sont en train de le faire…
Saint Thomas d’Aquin utilise souvent dans ses œuvres une
locution sous sa forme latine : Nullus tenetur ad impossibile (Nul
n’est tenu à l’impossible). Il se trouve que justement, pour mes proches, pour
mes amis, et surtout pour moi-même, je suis, aujourd’hui, tenu à l’impossible :
celui de guérir d’une affection dont le nom même effraie le corps médical quand
il en parle ! Vendredi soir, je suis pourtant allé à l’inauguration de l’exposition
de (remarquables) sculptures sur marbre d’un ami. J’y ai, bien sûr, rencontré
des personnes au courant de ma maladie mais aussi d’autres qui ne le savaient
pas. J’ai donc été confronté à la maladresse des mots de soutien qu’on prononce
en ces occasions. J’ai sûrement été aussi gaffeur par le passé… La palme
revient néanmoins à une charmante professeure d’allemand qui m’a dit : « mon frère
a eu la même chose que vous quand il a pris sa retraite. Le pauvre, il a été emporté
en trois semaines ! ». Silence gêné…
Bien sûr, des progrès ont été faits dans le traitement du
cancer mais il y a un fossé entre l’espoir raisonnable, entre le réalisable, et
le miracle… je veux croire que je suis dans le réalisable. D’autres que moi
sont passés par cette épreuve et s’en sont sortis avec les félicitations du
jury !
Cependant, tous les exemples que l’on m’a envoyés, par l’intermédiaire
des réseaux sociaux, de personnes ayant lutté avec succès contre ce type de
maladie étaient tous des cas de personnes exceptionnelles. Cet homme qui
gravit les plus hautes montagnes du monde après des années de chimiothérapies,
de chirurgies invasives et de traitements sévères, cet autre qui rebondit encore
plus haut après avoir souffert le martyr… tous ces hommes ne sont pas moi ! Je
suis l’homme le moins téméraire, le moins combatif, le moins exceptionnel qui
soit. Pour aggraver mon cas, j’ai même une bibliothèque où je lis des livres
sur les voyages sans jamais en avoir fait ! Pendant toutes mes études, j’ai d’ailleurs
mis un point d’honneur à ne jamais être le premier, à passer le plus inaperçu
possible, à faire même oublier mon nom lors des appels de classe…
En fin de compte, ce que je désirerais entendre, c’est que,
même les gens normaux, peuvent dépasser ce type d’épreuve avec succès. Pour les
héros, c’est une formalité. Pour les gens normaux, quand c'est impossible,
c'est simplement un peu plus long, non ?.. Pierre
11 commentaires:
Merci, cher Pierre, pour ce délicieux petit film et surtout pour tous ces billets qui nous font démarrer chaque matin (ou presque) la journée du bon pied. On ne fait pas de commentaires par peur des maladresses mais heureusement que Nadia est là pour mettre des grands sourires dans ces cases.
Bonne journée.
Patrick C.
Il est d'autant plus difficile de s'exprimer en pareil cas, Patrick, que personne ne réagit de la même manière face à la (sa) maladie. Une amie atteinte d'un cancer du sein n'a jamais hésité à en parler, et j'ai connu une personne pour qui c'était absolument tabou ; on aurait pas eu intérêt à lui demander des nouvelles !
La maladresse fait partie de l'être humain ; face au handicap, on peut aussi avoir ce genre de réaction, propos, malvenu ou maladroit. La spontanéité de votre interlocutrice, Pierre, vous disant que son frère avait été emporté en 3 semaines, ne va pas pour autant vous précipiter ad patres plus vite. Quant à savoir ce que vous allez devenir comparativement à ces êtres d'exception dont vous parlez qui ont survécu, là aussi, chaque cas, pathologie, façon de réagir aux traitements est bien différent(e) et individuel(le), et ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre ! cependant, avez-vous remarqué comme quand cette bombe vous tombe sur le coin de la figure, on devient comme le commun des mortels ? apeuré, plein de doutes, de questions ? la science nous lâche et les années de médecine n'y peuvent rien ; ce n'est pas parce qu'on a cotoyé Hippocrate(crite parfois) et qu'on lui a promis des choses qu'il va, en retour, nous sauver la mise !
J'ai connu un médecin que je consultais régulièrement dont le fils a été atteint d'une leucémie ; elle m'a confié avoir passé des nuits et des nuits, sans relâche, sur le net. Et pourtant, n'importe quel médecin vous déconseillera d'aller fouiller là-dedans, car on trouve tout et rien, et surtout des choses qui font peur. Mais... elle était mère et quand on tremble pour les siens (ou pour soi), allez donc chercher le raisonnable !
N'ayez pas peur d'intervenir ici, Pierre a suffisamment d'humour et d'auto-dérision pour encaisser toute maladresse, tant qu'elle n'est pas teintée de méchanceté ou d'imbécilité.
on n'a pas droit à la méchanceté ni à l'imbécilité ? ah ben zut alors...
Ben non Monsieur Calamar :-)) on va attendre que Pierre soit guéri. A ce moment là, on pourra se lâcher. A moins que vous ne craquiez avant :-)
Merci Patrick, pour ce gentil mot. Je sais que vous lisez régulièrement les billets que je publie sur le blog. Je sais aussi que, bien que n'étant plus bibliophiles, vous appréciez mes pensées sous le masque cependant !
Merci de votre fidélité et de votre amitié. Pierre
Ayant pratiqué la maladresse avec beaucoup de brio, Nadia, je n'en voudrais jamais à personne d'un soutien mal tourné. Je dirais même que la maladresse m'attendrit car elle elle est souvent le fait de personnes gentilles mais étourdies. Parfois, le silence est préférable mais peut-être aussi révélateur de notre indifférence... Pierre
L'avantage avec calamar, c'est que nous avons le même pseudo-détachement, le même humour approximatif qui ne fait rire que nous ! Il nous faut d'ailleurs prévenir nos voisins de table quand nous sommes ensemble, Pierre Dac excepté… Pierre
être à la même table que Pierre Dac ? je veux bien, j'en serais le premier charmé, mais le plus tard possible, si on peut choisir.
merci Pierre, merci Nadia qui me confirme encore dans mon opinion sur elle par ce beau commentaire et merci à Calamar toujours aussi spirituel, sans oublier ses compétences.
Ce qu'il y a de formidable avec le blog de Pierre ce sont tous les amis réels ou virtuels qu'on y rencontre et où on peut parler de tout même de bibliophilie ( je ne suis pas bibliophile depuis qu'il y a bien longtemps je me suis fait escroquer pour mes débuts par un grand libraire des environs de Paris, mais j'adore lire tout ce qui concerne les livres et depuis j'ai pas mal appris.)
Dommage que je n'ai pas rencontré Pierre en premier !
Patrick C.
Patrick : c'est moi la première ! :-))) confirmez-nous Pierre.
C'est l'époque lointaine où je lui confiais mon chat ! qu'est-ce qu'il était sérieux, le Pierre, en ce temps là ! limite compassé. Version notaire poussiéreux... (comment ça, j'exagère ? :-)). Depuis, l'ayant découvert dans sa librairie, tel que vous le connaissez maintenant, je me dis que la décision qu'il avait prise de changer de métier est la meilleure. Et finalement, le vrai Pierre, c'est celui de la librairie ; à l'époque, il se camouflait soigneusement sous une blouse blanche.
Nadia, quand je parlais de "premier" c'est en tant que libraire ! Je ne veux marcher sur vos plates bandes et vous laisse la priorité. Mais arrêtons là notre papotage sinon cet échange de commentaires va devenir n'importe quoi !
Bonne journée.
Patrick C.
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