Les amis des faux-amis sont mes amis…
Chers fidèles lecteurs, pour des raisons que certains connaissent mais que je ne
veux développer ici, Pierre m’a demandé de reprendre mes Causeries, le temps
qu’il retrouve des forces avant un séjour de convalescence qui va l’amener en Bretagne.
J’aurais pu, comme cela est mon habitude, disserter
brillamment sur un livre posé sur les rayonnages de sa bibliothèque avec le
secret dessein de vous le vendre. Certainement, comme cela était aussi votre
habitude, vous auriez voulu l’acquérir pour rendre hommage à mon talent de
présentateur… Vous devez savoir que, dorénavant et tant que Pierre est
incapable de réaliser un colis présentable, il se refuse à tout commerce
intéressé. D’ailleurs, s’il le faisait, ce ne serait plus qu’à titre de
particulier à particulier. Vous allez donc bénéficier, et beaucoup vont s’en
réjouir une fois de plus, d’un petit billet lénifiant sur deux faux-amis de la
langue française qu'on m’a demandé de présenter succinctement dans le prochain dictionnaire
de notre Académie.
Feignant et fainéant : Le premier " on "en
question, c’est Jeannot (Jean D’Ormesson) qui me l’a suggéré. Son neveu
accompagnait son fils au zoo. En voyant un mammifère arboricole d'Amérique
tropicale du sous-ordre des Folivora pendu à un arbre, ce dernier lui dit : " Oh
! Regarde, un feignant ! " : " On ne dit pas un feignant, mon
chéri, on dit un paresseux… " lui répondit son père... Et c'est là que
j'interviens aujourd'hui à la demande de mon honorable confrère ! On ne devrait
pas dire un " feignant " mais un fainéant ! Un fainéant est celui ou
celle qui ne veut rien faire. " Un grand fainéant, un incorrigible fainéant…
"; adjectivement parlant " un enfant fainéant, une classe ouvrière
fainéante… ". C’est avec le temps ; tradition faisant loi ; que le participe
présent du verbe feindre (feignant) pris au sens de " se dérober, rester
inactif " s’est altéré en " fait néant ", puis " faignant
" pour devenir aujourd'hui le synonyme de fainéant… Au café du commerce,
un consommateur tempérant vous dirait que je viens subséquemment de lui en
boucher un coin ! Suite…
Chaos et cahot : Le deuxième contresens que mes chers
collègues de l'Académie m'ont demandé de développer dans notre prochain dictionnaire
est le fréquent amalgame que certains font entre "chaos" et "cahot".
Utilisé de façon régulière dans le jargon journalistique, le chaos nous fait
entrevoir une apocalypse quand il ne faudrait y voir qu'une succession
d'épreuves surmontables au cours d'un événement. Cette homonymie est une
chausse-trappe classique de la langue française. Le cahot, pour sa part, quand
il n'est pas un saut que fait une voiture en roulant sur un chemin pierreux,
n'est qu'une difficulté qui va contrarier le cours des choses ! Il n'a rien à
voir avec le chaos que les spécialistes de la cosmologie définissent comme un
état de néant désordonné précédant la création divine… C'est donc passer du
sourire aux larmes que d'aller du cahot au chaos… Au café du commerce,
l'ivrogne affalé au bout du comptoir vous dirait que je viens nonobstant de lui
trouer le cul ! Ces lieux de perdition ne sont décidément pas fréquentables
pour les gens bien élevés…
Il y a d'autres faux-amis dans la langue française, vous
le savez. Si un autre exemple édifiant vous revenait en mémoire, n'hésitez pas
à le mentionner dans vos commentaires. J'en tiendrai compte dans notre
nouveau dictionnaire en citant votre nom.
Votre dévoué. Philippe Gandillet
6 commentaires:
:) Un cahot et un chaos ... cela pourrait vite devenir un chat haut tandis que son faux ami deviendrait un cas "hot" en couleurs!
Bonne soirée à vous!
Des bises, si je puis me permettre autant de familiarité dans un si joli lieu de perdition le café du commerce l'Artaban bar-tabac épique.
Sandrine
Et toc ! il a réussi à caser ici, le Gandillet, deux de vos mots favoris : subséquemment et nonobstant ! trop fort...
La récente actualité m’a rappelé deux faux amis : L’appel et la pelle. Le personnel de la SNCF confond souvent l'appel à la grève, avec les grèves à la pelle. Ils ont perdu la voie mais pas la voix.
Daniel B.
Les grévistes de la SNCF sont de vrais faux amis… On pourrait même dire, des professionnels de la chose ! Pierre ;-))
Le maître Gandillet pourrait peut-être prévenir nos chers bambins de deux écueils médicaux ou vétérinaires qui menacent les cours de récréation du XXIe siècle : métamère et nycthémère ?
Lauverjat
Il n'y aurait de contresens que si les enfants en connaissaient le vraisens…
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