jeudi 19 mai 2016

Causerie de Philippe Gandillet : appelons un chat, un chat…


Les amis des faux-amis sont mes amis…

Chers fidèles lecteurs, pour des raisons que certains connaissent mais que je ne veux développer ici, Pierre m’a demandé de reprendre mes Causeries, le temps qu’il retrouve des forces avant un séjour de convalescence qui va l’amener en Bretagne.

J’aurais pu, comme cela est mon habitude, disserter brillamment sur un livre posé sur les rayonnages de sa bibliothèque avec le secret dessein de vous le vendre. Certainement, comme cela était aussi votre habitude, vous auriez voulu l’acquérir pour rendre hommage à mon talent de présentateur… Vous devez savoir que, dorénavant et tant que Pierre est incapable de réaliser un colis présentable, il se refuse à tout commerce intéressé. D’ailleurs, s’il le faisait, ce ne serait plus qu’à titre de particulier à particulier. Vous allez donc bénéficier, et beaucoup vont s’en réjouir une fois de plus, d’un petit billet lénifiant sur deux faux-amis de la langue française qu'on m’a demandé de présenter succinctement dans le prochain dictionnaire de notre Académie.

Feignant et fainéant : Le premier " on "en question, c’est Jeannot (Jean D’Ormesson) qui me l’a suggéré. Son neveu accompagnait son fils au zoo. En voyant un mammifère arboricole d'Amérique tropicale du sous-ordre des Folivora pendu à un arbre, ce dernier lui dit : " Oh ! Regarde, un feignant ! " : " On ne dit pas un feignant, mon chéri, on dit un paresseux… " lui répondit son père... Et c'est là que j'interviens aujourd'hui à la demande de mon honorable confrère ! On ne devrait pas dire un " feignant " mais un fainéant ! Un fainéant est celui ou celle qui ne veut rien faire. " Un grand fainéant, un incorrigible fainéant… "; adjectivement parlant " un enfant fainéant, une classe ouvrière fainéante… ". C’est avec le temps ; tradition faisant loi ; que le participe présent du verbe feindre (feignant) pris au sens de " se dérober, rester inactif " s’est altéré en " fait néant ", puis " faignant " pour devenir aujourd'hui le synonyme de fainéant… Au café du commerce, un consommateur tempérant vous dirait que je viens subséquemment de lui en boucher un coin ! Suite…

Chaos et cahot : Le deuxième contresens que mes chers collègues de l'Académie m'ont demandé de développer dans notre prochain dictionnaire est le fréquent amalgame que certains font entre "chaos" et "cahot". Utilisé de façon régulière dans le jargon journalistique, le chaos nous fait entrevoir une apocalypse quand il ne faudrait y voir qu'une succession d'épreuves surmontables au cours d'un événement. Cette homonymie est une chausse-trappe classique de la langue française. Le cahot, pour sa part, quand il n'est pas un saut que fait une voiture en roulant sur un chemin pierreux, n'est qu'une difficulté qui va contrarier le cours des choses ! Il n'a rien à voir avec le chaos que les spécialistes de la cosmologie définissent comme un état de néant désordonné précédant la création divine… C'est donc passer du sourire aux larmes que d'aller du cahot au chaos… Au café du commerce, l'ivrogne affalé au bout du comptoir vous dirait que je viens nonobstant de lui trouer le cul ! Ces lieux de perdition ne sont décidément pas fréquentables pour les gens bien élevés…

Il y a d'autres faux-amis dans la langue française, vous le savez. Si un autre exemple édifiant vous revenait en mémoire, n'hésitez pas à le mentionner dans vos commentaires. J'en tiendrai compte dans notre nouveau dictionnaire en citant votre nom.

Votre dévoué. Philippe Gandillet

6 commentaires:

Anonyme a dit…

:) Un cahot et un chaos ... cela pourrait vite devenir un chat haut tandis que son faux ami deviendrait un cas "hot" en couleurs!
Bonne soirée à vous!
Des bises, si je puis me permettre autant de familiarité dans un si joli lieu de perdition le café du commerce l'Artaban bar-tabac épique.
Sandrine

Nadia a dit…

Et toc ! il a réussi à caser ici, le Gandillet, deux de vos mots favoris : subséquemment et nonobstant ! trop fort...

Daniel a dit…

La récente actualité m’a rappelé deux faux amis : L’appel et la pelle. Le personnel de la SNCF confond souvent l'appel à la grève, avec les grèves à la pelle. Ils ont perdu la voie mais pas la voix.

Daniel B.

Pierre a dit…

Les grévistes de la SNCF sont de vrais faux amis… On pourrait même dire, des professionnels de la chose ! Pierre ;-))

Lauverjat a dit…

Le maître Gandillet pourrait peut-être prévenir nos chers bambins de deux écueils médicaux ou vétérinaires qui menacent les cours de récréation du XXIe siècle : métamère et nycthémère ?

Lauverjat

Pierre a dit…

Il n'y aurait de contresens que si les enfants en connaissaient le vraisens…