mercredi 11 mai 2016

La plume sous le masque : Pensée du 28eme jour…




Avant moi, il n'y avait peut-être rien ou peut-être quelque chose. Après moi, il y aura peut-être quelque chose, ou peut-être rien…

Que deviendrons-nous après la mort ? C’est la question que se posait le célèbre abbé Théophile Moreux, bien connu des bibliophiles pour ses ouvrages de vulgarisation scientifique. Désirant, moi aussi, poser une pierre sur l’édifice de la connaissance, je vais tenter de répondre à une autre question existentielle tout aussi importante qui m’est venue sous le masque, aujourd’hui : Qu’étions-nous avant la vie ?

On pourrait nonobstant répondre succinctement à la question de Moreux en ces termes : Pour ce qui est du passage à travers la mort physique, nous verrons bien mais je suis toujours surpris par les théologiens qui prétendent disserter de ce qu’il y a après la mort comme s’ils le savaient très bien ! D’abord, comme nous n’y avons jamais vraiment goûté (personne n’a jamais vécu sans corps que je sache), il est absolument impossible de savoir ce que cela pourrait être… Et même si nous en avions fait l’expérience, il serait impossible, je pense, d’en parler avec des mots. Quand on pense qu’expliquer quel est le goût des kiwis à quelqu’un qui n’en a jamais goûté, c’est déjà pas facile, on imagine que parler de la vie après la mort à quelqu’un qui ne l’a pas vécu (sic), c’est quasiment impossible ! Je vous engage cependant à acquérir l’ouvrage de l’abbé Moreux. Bien relié, dans une bonne édition illustrée, il ne dépareillera pas dans votre bibliothèque et, le moment venu (pas trop tard, cependant), vous pourrez même le lire…

Pour ce qui est de la question sous le masque posée en préambule « Qu’étions-nous avant la vie ? », Je vous soumets le résultat de ma réflexion. Si vous trouvez qu’elle est incomplète, et je l’admettrais bien volontiers, vous devez savoir que ma séance de radiothérapie ne dure que 10 minutes. J’avais bien pensé, pour cette fois-ci, à demander qu’on fasse les deux derniers rendez-vous d’un coup mais on m’a répondu qu’au-delà de 15 minutes, les rayons traversant de part en part mon cerveau allaient détériorer le chariot roulant…

Bien évidemment, la lecture de la Genèse pourrait vous apporter une réponse satisfaisante si vous croyez que le monde a été créé par Dieu en six jours, dimanche chômé… C’est un vrai problème pour les croyants qui ont suivi un cursus scientifique d’admettre ça. Question d’interprétation me direz-vous puisque, depuis l’origine du monde, la création s’est transmise de bouche à oreille jusqu’à ce qu’un peuple élu le couche sur du papyrus dans la langue d’Abraham ou dans celle d’Aristote !

Désolé ! L'univers est né avec le Big-Bang, il y a 14 milliards d'années et des bananes, vous diront les scientifiques. On pense même qu’il y aurait eu plusieurs Big-Bangs dans l’univers et que le nôtre se noierait dans la masse. Imaginez alors notre système solaire comme une bulle dans un bain moussant composé d'une infinité de bulles… Si vous désirez, d’ailleurs, devenir un maître de la cosmologie, je vous engage à écouter les Exoconférences d’Alexandre Astier, vulgarisateur scientifique de tout premier plan, qui sont édifiantes !

Certes, nous ne sommes pas faits que de matière brute, c'est-à-dire de chaos, puisque nous avons une âme, une conscience d’être, même… La matière qui nous constitue est informée et organisée de manière différente pour chacun de nous. La vie serait alors l’association d’informations innées autour d’une matière acquise. Est-ce à dire que je vais me survivre ? La question mérite d’être discutée. Cette survie est aujourd’hui possible grâce aux livres, transmission éphémère de la connaissance. Elle ne me permettra cependant pas de renaître… La vie ne serait alors qu’une illusion, un néant que nous construisons sur du vivant avec notre pensée. On pourrait aussi rêver que le sommeil de la mort nous ouvre les portes d’une nouvelle vie mais je n’en mettrais pas ma main au feu. Ça tombe bien, il n’y en a pas au paradis, de feu ;-))

Pierre

9 commentaires:

Nadia a dit…

Très très bien ce billet. Un vrai sujet. Ce qui m'interroge, moi, parfois, c'est "qu'y a-t-il après ?". Bien que tièdement croyante, il n'empêche que je suis restée imprégnée de mon éducation catholique, où il paraît que quand nous mourons, nous retrouvons au ciel ceux qui nous y ont précédé ! il est bien entendu que nous ne pouvons aller qu'au ciel. Pour l'enfer, tout le monde a grillé, donc pour retrouver quelqu'un là-dedans, c'est mission !
Partant donc de l'évidence que nous arrivons, au bout d'un plus ou moins long chemin, aux portes du paradis, que se passe-t-il ensuite ? ayant acquitté le droit de passage (tout est payant maintenant), quelle configuration spatiale nous attend ? et où se trouvent les gens de notre passé ? dois-je les chercher ? ont-ils une adresse ? un mail peut-être ? j'imagine une énorme salle nuageuse où ils jouent au poker, un grand ventilateur brassant l'air.
Oui, mais ensuite, vont-ils nous reconnaître ? certains nous ont laissés quand nous étions petits, entretemps, nous aurons pris quelques dizaines. Ils risquent de nous passer à côté sans percuter ! à moins qu'à l'entrée on distribue des badges. Oui, ça doit être ça. Ca aide, un badge.
Une fois retrouvés, c'est cool, on peut papoter des jours et des jours à faire un rattrapage sur tout ce qui s'est passé depuis leur mort. J'espère que l'apéro est servi à heure fixe, 18h30 me semble pas mal, vu qu'il faut se coucher tôt, certains sont là depuis des décennies, ça les rajeunit pas !

Pierre a dit…

J'irai avec mon propre badge… bonne idée ! Mais reconnaîtrais-je Saint-Pierre pour savoir si c'est la bonne porte ?

Pierre ;-))

Unknown a dit…

Pour avoir découvert une mort de vingt-quatre heures, un peu plus, pressentie au réveil en découvrant l'arrêt inouï de ma Longines automatique, je peux affirmer que je n'en possède aucun souvenir. Vingt-quatre heures d'abandon et de temps absent ne débouchant sur rien ; juste le réveil puis le calcul m'ont renseigné... La mort est cet abandon qui perdure.

Pierre a dit…

La mort ne serait-elle qu'une absence de réveil ? On devrait alors broder sur nos oreillers : Dormir tue...

Pierre a dit…

C'est René qui me rappelle cet excellent aphorisme : "Le présent est notre seul bien, il ne faut pas l'infecter avec le poison du souvenir et des prévisions."

Le bon sens de nos amis de Belgique. Amitié. Pierre

Anonyme a dit…

Je n'ose plus rien dire ou écrire (en tant qu'agent de Sa Majesté, cf dernier billet) mais d'aucuns scientifiques que je fréquente dans mon université disent que nous ne serions que des ondes - je simplifie un peu car je ne suis pas certain de tout comprendre :-) -, alors d'où venons-nous et où allons-nous... l'essentiel doit être d'être de bonnes ondes dans une bonne bibliothèque !
Xavier

Daniel a dit…

Au poète adolescent à qui l'on posait la question banale :

Alors, qu'est-ce que tu deviens ? La réponse fut :

"L'important ce n'est pas de devenir, c'est d'être" et après un temps suspensif de réflexion "rien ne sert de mourir ; il faut partir à point"

Ceci dit, cela ne résout en rien la question, si ce n'est le constat que nombre d'entre nous passent du c au m sans même avoir pris le temps d'être. Fort heureusement, ceux qui interviennent ici ont suffisamment d’épaisseur et de personnalité pour ne pas être concernés.


Daniel B.

sebV a dit…

Depuis que j'ai découvert Epicure je ne m’embarrasse plus de la peur de mourir. Son remède est efficace "La mort n'est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensibilité." Autrement dit quand je serai mort je ne serai plus, et je ne saurai même pas être mort, donc pourquoi s'en soucier? La seule mort qui compte est celle des personnes que l'on aime.
Qu'étions nous avant la vie ? Tout au plus une probabilité dans les gènes de nos parents, un potentiel. Et là je rejoins la parabole des talents qui vous est sans doute chère Pierre. L'important n'est pas ce qui est, quand nous n'étions pas encore, ou quand nous ne serons plus. Mais plutôt qu'avons nous fait entre ces deux néant de notre potentiel.

Pierre a dit…

Je rejoins votre avis, Sébastien : l'important n'est pas d'où on vient, mais où va…. Je retiens aussi votre judicieuse remarque " La seule mort qui compte est celle des personnes que l'on aime."

Une fois débarrassé de la pudeur des mots, c'est fou ce que c'est agréable de parler d'un sujet aussi sérieux !

Amicalement. Pierre Brillard